Le rejet de l’initiative des Jeunes Verts contre le mitage du territoire marque un coup d’arrêt à l’utilisation de simples slogans en politique.
C’est un vrai changement de tendance dans ce domaine. Car c’est exactement ce même slogan qui avait été utilisé en 2013 pour faire passer de manière confortable la nouvelle Loi fédérale sur l’aménagement du territoire, la fameuse LAT. A l’autre extrémité de l’échiquier politique, l’UDC a souvent fait appel à la peur. Cela eût payé, dirait un bon paysan vaudois. Mais lorsqu’une initiative se réduit à un grand principe, et évite d’aborder les effets secondaires, pour ne pas dire les dégâts colatéraux, le peuple se rebiffe. C’est exactement ce qu’il a fait dimanche. Et s’il faut attribuer un mérite aux Jeunes Verts, dont c’était la première démarche dans ce domaine, c’est d’avoir permis aux citoyens de manifester le besoin de procéder à un rééquilibrage.
Vous considérez que la nouvelle Loi sur l’aménagement du territoire est trop contraignante ?
C’est certain. Nul doute qu’il fallait éviter de continuer à s’étendre indéfiniment dans les campagnes. Mais la LAT de 2013 a posé des contraintes qu’on commence à peine à découvrir. Même lorsqu’il s’agit de construire des infrastructures publiques, cette législation impose des procédures bien plus longues, et donc plus coûteuses, que par le passé. Les exemples pullulent, du nouvel Hôpital du Chablais en passant par l’établissement médico-social du Château, à Corcelles-près-Concise, dans le canton de Vaud. Et on ne parle pas des propriétaires d’un terrain à construire, dépossédés lorsqu’il passe en zone agricole.
Mais est-ce que cela suffit à expliquer le rejet de l’initiative ?
Non. La principale motivation du peuple est à chercher dans les effets secondaires de la nouvelle LAT. Lorsqu’un objet de collection est très recherché, son prix grimpe en flèche. Il en va de même pour le logement. Les contraintes ressortant de la nouvelle législation, au moment même où la Suisse devait faire face à une dynamique démographique exceptionnelle, ont eu pour effet d’accentuer le renchérissement des loyers. Autrement dit, l’expansion sur le territoire non-construit a certes été stoppée, mais le simple citoyen en assume le coût. Et c’est particulièrement vrai dans un pays constitué majoritairement de locataires. Le rejet de l’initiative à Genève, et surtout à Zurich, où les loyers sont particulièrement élevés, illustre cette réaction. L’acceptation, à la raclette, en ville de Lausanne, est anecdotique.
La hausse des loyers n’est pas la seule explication.
Je reste convaincu qu’une majorité de citoyens sont sensibles à la nécessité de limiter les périmètres d’urbanisation, même si, faut-il le rappeler, l’environnement construit représente moins de 10% du territoire suisse, largement occupé par les montagnes. Mais ces mêmes citoyens tiennent à conserver une certaine qualité de vie. Or la densification des centres urbains impose, sauf lorsqu’il s’agit de réhabiliter d’anciennes friches industrielles, le sacrifice de zones de verdure. Les projets de tours présentés ci et là ont tous été rejetés, exception faite de celui de Chavannes-près-Renens.
Ce rejet va-t-il influencer la politique en matière d’aménagement du territoire ?
C’est certain. La LAT en vigueur continuera à être appliquée, dans toute sa rigueur. Mais la révision qui a déjà été mise en consultation l’an dernier, appelée LAT 2, va sans doute subir un coup d’arrêt. D’autant plus, et cela été clairement manifesté dans les cantons ruraux, tels le Valais, qui n’acceptent plus les diktats des technocrates de la Berne fédérale. Et puis le ralentissement de la dynamique démographique, après quinze ans de progression continue, va lui aussi aider à réduire les tensions. L’initiative Weber de 2012 sur les résidences secondaires et la LAT de 2013 ont contribué à une nécessaire prise de conscience, mais dimanche, à l’heure de l’apéritif, les citoyens ont considéré qu’il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin !
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