La primauté du droit suisse sur le droit international ne sera pas inscrite dans la constitution. L'initiative populaire sur les juges étrangers a été rejetée dimanche par 66,3% des votants. Seule l'UDC se désole de ce résultat.
Plus de 1,71 million de Suisses ont glissé un "non" dans l'urne, contre quelque 872'800 "oui". Tous les cantons ont dit non. Les refus les plus forts viennent de Suisse romande, avec 77,4% de rejet à Neuchâtel, 76,6% dans le canton de Vaud, 75,5% dans le Jura, 75,3% à Genève et 72,6% à Fribourg. Bâle-Ville arrive ensuite avec 72,5% de "non".
A l'opposé, l'initiative de l'UDC a trouvé le soutien le plus marqué à Schwyz qui refuse le texte avec 52,7%. Le canton de Suisse centrale est suivi d'Appenzell Rhodes-Intérieures et du Tessin, où le rejet est aussi inférieur à 55%. Dans le milieu du tableau se trouvent notamment les Valaisans, avec 67,6% de refus, les Bernois et les Zurichois par 68%.
Campagne "agressive"
Concoctée par le professeur de droit et conseiller national zurichois Hans-Ueli Vogt, l'initiative "Le droit suisse au lieu de juges étrangers" ou initiative pour l'autodétermination, voulait consacrer la primauté du droit constitutionnel helvétique sur le droit international. Des réserves auraient néanmoins été inscrites pour les règles impératives telles que l'interdiction de la torture, du génocide ou de l'esclavage.
L'initiative imposait aux autorités d'adapter les traités internationaux contraires à la Constitution et, au besoin, de les dénoncer. Le Tribunal fédéral n'aurait plus été obligé d'appliquer les traités internationaux qui n'ont pas été sujets au référendum. Les initiatives populaires auraient pu être mises en oeuvre à la lettre.
Les opposants au texte sont parvenus à répandre l'insécurité, a regretté Albert Rösti, le président de l'UDC, à l'issue du scrutin. De son avis, la campagne a été "agressive et polémique".
Malgré cette défaite cuisante, le débat sur l'initiative a permis de "repousser ou d'éviter" la signature du Pacte mondial de l'ONU sur les migrations, nuance M. Rösti. Son parti suivra de très près le respect des aspects de démocratie directe dans les questions du Pacte mondial sur les migrations et de l'accord-cadre avec l'Union européenne.
Prospérité de la Suisse
Dans la plupart des autres formations politiques du pays, le soulagement était au contraire de mise après le verdict des urnes. Le comité interparti contre l'initiative, formé de 151 membres du Parlement fédéral, s'est réjoui de ce résultat net, qui "évite que la Suisse ne devienne un partenaire peu fiable sur la scène internationale".
Les milieux économiques ont eux aussi salué le fait que les votants se soient prononcés en faveur d'une "Suisse ouverte au monde". La directrice d'economiesuisse, Monika Rühl, a rappelé que le pays dispose de nombreux d'accords internationaux importants, qui lui offrent un accès au marché et assurent des investissements.
Le directeur de Commerce Suisse, Kaspar Egli, s'est pour sa part félicité d'un résultat qui restaure la sécurité juridique,"une condition centrale pour la pérennité et la préservation de la prospérité en Suisse".
Pour Manon Schick, la directrice générale d'Amnesty International Suisse, le refus massif de l'initiative contre les juges étrangers est un "vrai signal" du fort attachement des Suisses aux droits humains. Désormais, le regard de l'ONG se tourne vers le Parlement. Sa tâche est de "poser un cadre général pour la validation des initiatives qui sont potentiellement en porte-à-faux avec le droit international".
Signal avant les élections
Les syndicats voient quant à eux dans le résultat de dimanche une bonne nouvelle pour les travailleurs. L'acceptation du texte aurait affaibli les tribunaux suisses et rendu plus difficile l'application des droits humains, estime l'Union syndicale suisse (USS). Les travailleurs et travailleuses en particulier en auraient souffert.
Un an avant les prochaines élections fédérales, les adversaires politiques de l'UDC voient un bon signal dans sa défaite de dimanche. Le refus net de l'initiative sur les juges étrangers "montre que les Suisses sont fatigués" de ce parti, analyse le chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales, Roger Nordmann.
Source ATS