L’UDC a subi hier une cuisante défaite avec son initiative « pour l’autodétermination ». Peut-on dire à l’inverse que c’est un triomphe pour les organisations économiques ?
Clairement. Et objectivement. On ne connaîtra pas les chiffres, mais les entreprises n’ont probablement jamais engagé autant de moyens sur un vote populaire. Leur visibilité dans les médias a été dominante de bout en bout. Or jamais l’UDC n’a connu pareille défaite. Elle en a pourtant connu beaucoup. Bien davantage que de victoires.
« Economiesuisse » n’a pas été seule à s’engager. La mobilisation a aussi été intense à gauche.
Tout aussi intense probablement. Dans les convictions et les débats publics d’arrière-salles. Du côté des associations comme des partis. Mais cette mobilisation a été plus discrète s’agissant de médias payants. Pour des raisons de moyens, tout simplement.
Et puis « economiesuisse » n’a pas été seule à investir parmi les organisations d’entreprises. La plupart des grandes chambres de commerce cantonales ont aussi été présentes. Au nom des intérêts de l’industrie d’exportation surtout. Les Suisses sont très sensibles à la puissance économique de leur pays. Pas seulement par fierté. Mais parce qu’ils savent très bien ce que leur niveau de vie doit à l’économie d’exportation. Et le niveau très envié de leur système social.
Il faut aussi relever que les organisations économiques plutôt actives sur le marché intérieur ont aussi pris position cette fois contre l’UDC. Ce qui n’est pas toujours le cas. L’Union suisse des Arts et Métiers en particulier, avec ses membres associatifs cantonaux. Mais sans vraiment s’engager.
Est-ce que ça signifie que lorsque l’économie est unie et met les moyens, elle finit toujours par l’emporter ?
Non, de toute évidence. Les organisations économiques ont connu quelques revers retentissantes face à l’UDC. Souvenez-vous : en 1992, en 2014 et pas seulement. Les entreprises avaient pourtant engagé l’artillerie lourde. En fait, les citoyens qui prennent la peine de voter sont en général capables de discernement sans que des millions de francs soient investis pour les convaincre.
Oui je sais, ça n’a jamais été démontré « scientifiquement ». Mais c’est une réalité d’ordre pragmatique: sinon la démocratie n’aurait tout simplement plus aucun sens. Et si l’initiative de l’UDC n’est pas passée hier, c’est parce que ce n’était pas une bonne initiative.
Mais alors pourquoi les organisations économiques consacrent-elles autant de moyens pour convaincre ?
D’abord parce qu’elles ont ces moyens. Ensuite par acquis de conscience, probablement. Parce qu’elles sont elles-mêmes convaincues que c’est grâce à ses grands pourvoyeurs de fonds, qui sont aussi des dirigeants d’entreprise d’ailleurs, que l’UDC parvient à emporter des majorités populaires. Et quand c’est la gauche qui y parvient, n’est-ce pas grâce à ses innombrables relais dans de puissants médias ? C’est cela qu’il faut compenser. Et puis vous savez, lorsque l’économie s’engage trop peu en politique, alors les vaincus de tous bords s’empressent de le lui reprocher…