L’initiative contre le mitage du territoire lancée par les jeunes Verts, sur laquelle le peuple votera le 10 février prochain, est inquiétante.
Pire, je la considère comme dangereuse pour des raisons que je vais développer ici. Mais auparavant, j’aimerais dire que pour des jeunes pousses vertes, le slogan n’est pas le fruit d’une grande imagination. C’est exactement le même que celui qui avait conduit, en 2013, à l’adoption de la nouvelle Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Et il avait bien entendu fait mouche. C’est d’ailleurs le propre des initiatives de ce début de millénaire, on vote sur des slogans. Le fond, en particulier les effets et dégâts collatéraux, on les découvre après coup.
Et ces effets ne sont pas toujours ceux qu’on attend.
La nouvelle LAT a un mérite : nous contraindre tous, du simple citoyen aux autorités, à réfléchir à la protection du territoire vierge, sur lequel on ne peut s’étendre indéfiniment. D’autant moins lorsque celui-ci est aussi restreint dans un pays comme la Suisse. Mais les effets négatifs sont considérables. De très nombreuses procédures de construction -je pense principalement aux infrastructures publiques, écoles et hôpitaux- ont été considérablement ralenties par cette nouvelle loi, qui impose déjà des compensations, un peu comme sur l’exemple de la Loi forestière : un arbre abattu est remplacé par un autre.
Mais en quoi la nouvelle LAT a-t-elle compliqué les choses ?
Prenons un exemple réel. Un projet d’écoquartier destiné à accueillir quelque 200 habitants sur le territoire de la commune de Pomy, dans l’Agglomération d’Yverdon-les-Bains, à quelques mètres d’une zone déjà urbanisée et desservie par les transports publics et des pistes de mobilité douce, a tout simplement été enterré. A quelques kilomètres de là, c’est une fondation qui fait le deuil d’un projet d’extension destiné à des jeunes gens en formation, le réalisant finalement par densification, et passant du même coup pas loin d’un million de francs par pertes et profits. Imaginez un particulier contraint de procéder au même sacrifice parce que son terrain à construire passe en zone agricole ?
La densification de l’environnement construit est pourtant une bonne chose.
Les agriculteurs sont de plus en plus contraints, au moment d’investir, de déplacer le cœur de leur exploitation à l’extérieur du village. Du coup, l’ancienne ferme peut être transformée en immeuble d’habitation. Dans les villes, ce sont les friches commerciales et industrielles qui offrent ce type d’opportunité. Il en reste des milliers à mettre en valeur.
L'initiative contre le mitage est donc non seulement inutile, mais dangereuse sur le long terme.
En particulier dans un pays qui va très bientôt devoir affronter le choc du vieillissement de sa population, alors que la natalité s’affiche à la baisse. Sans vouloir peindre le diable sur la muraille, je n’aimerais pas qu’on se retrouve dans la situation de ma Galice natale. Il faudrait aujourd’hui 7000 naissances supplémentaires par année pour faire à nouveau croître la population de ce coin de pays. Le 90% de celle-ci est aujourd’hui concentrée dans les villes. Sur les 31 000 villages de cette région autonome du nord-ouest de l’Espagne, 2000 sont totalement abandonnés et il reste moins de 10 habitants dans 10 000 autres localités. Même si comparaison n’est pas raison, est-ce vraiment sur ce chemin-là que nous voulons nous engager ? Et justifier notre inclusion dans la Vieille Europe, un qualificatif désormais bien approprié.
https://www.radiolac.ch/podcasts/les-signatures-28012019-081940/