L'affaire de corruption présumée qui a éclaté hier à Genève Aéroport pourrait bien n'être que la partie émergée de l'iceberg. D'après des ex employés, le responsable du département de la sûreté de Genève Aéroport, interpellé et prévenu de corruption, a joué un rôle déterminant dans l'attribution de plusieurs marchés publics et pas seulement en 2018.
Un ancien salarié a accepté de témoigner. Il était en poste en 2011 au moment de la prise de fonction de ce haut-cadre, âgé d'une quarantaine d'années, ancien employé de Securitas et par ailleurs ancien conseiller municipal PLR de Bellevue. Sous couvert d'anonymat, notre témoin revient sur l'appel d'offres concernant le contrôle des bagages en soutes qui a vu l'arrivée de Custodio, une filiale de Securitas, à Genève Aéroport, le 1er novembre 2012:
Le choix de Custodio était particulièrement surprenant aux yeux d'Alain *, vu le manque d'expérience de la société et de son responsable genevois, "monsieur Y", en matière de sûreté aéroportuaire:
Contacté ce jour, le responsable genevois de Custodio répond à cette critique par ces mots: "Cela fait 29 ans que je suis dans le domaine de la sécurité."
Rapport accablant de la Cour des Comptes
Pour rappel, hier, en plus du responsable du département de la sûreté de Genève Aéroport, le responsable de la société genevoise Security and Quality Services (SQS), a également été prévenu de corruption. Pour un marché public attribué en 2018.
Dans son communiqué, le Ministère public précise avoir "également ouvert une procédure dirigée contre inconnu après avoir été informé en mars 2019 par la Cour des comptes de possibles dysfonctionnements lors de la procédure d'adjudication intervenue en 2018 concernant les services de sûreté de Genève Aéroport". Selon nos informations, Custodio pourrait être concernée.
Aujourd'hui, la Cour des Comptes a confirmé avoir examiné ces procédures et avoir, au passage, évalué les mesures prises par la direction générale face aux rumeurs de conflits d’intérêts. Et les conclusions de la Cour sont alarmantes. Selon elle, "cette procédure d’adjudication a été entachée de dysfonctionnements".
"Risques de fraude importants"
Elle évoque la modification de notations de certains experts sans qu’ils en soient informés. Ou encore le fait qu' "un haut cadre, qui avait été écarté de la procédure pour éviter tout conflit d’intérêts, a procédé à l’ouverture des offres". La Cour estime que les éléments recueillis montrent "des risques de fraude importants".
La Cour des Comptes, mais aussi les témoignages d'ex employés que nous avons récoltés, mettent en lumière des liens d'amitié entre le responsable du département de la sûreté et les dirigeants de plusieurs sociétés ayant décroché des marchés avec Genève Aéroport.
Là encore, rien de surprenant selon Alain*, témoin de la complicité entre le haut cadre et le responsable de Custodio, tous deux ex employés de Securitas. D'où sa réaction en voyant l'affaire dévoilée:
"On espère des meilleurs jours pour le personnel"
Face à cette situation de crise, le Conseil d'administration de Genève Aéroport s'est réuni en séance extraordinaire en milieu de journée. Réagissant aux recommandations de la Cour des comptes, le bureau indique notamment qu'un travail est en cours sur les mesures à prendre en matière de ressources humaines.
Son témoignage corrobore celui d'ex employés de Protectas, autre entité sous la responsabilité du chef de la sûreté. Ils sont plusieurs dizaines à avoir été licenciés ces dernières années.
* Prénom fictif
@marie_prieur