Dix-huit personnalités suisses imaginent un autre monde post-pandémie de Covid-19. Elles ont lancé mercredi à Genève le Manifeste 2020, un recueil de textes et de recommandations destinés à amorcer un débat citoyen et des changements en matière économique, sociale, environnementale ou encore sanitaire.
"Il s'agit de réfléchir à ce qui s'est passé pour ne pas faire comme avant. Il faut que nos propositions soient relayées sur le plan politique", a expliqué devant les médias Nago Humbert, fondateur de Médecins du monde Suisse, à l'origine du Manifeste 2020 avec le chanteur Michel Bühler. Les deux hommes ont proposé à des personnes "soucieuses de l'avenir de l'humanité" d'imaginer une autre société.
En matière de santé, Nago Humbert et l'oncologue Franco Cavalli, ex-conseiller national (PS/TI), demandent que la Suisse, pays riche, forme davantage de personnel de santé pour couvrir les besoins de sa population, au lieu d'importer des médecins et infirmiers étrangers et de priver ainsi leurs pays d'origine de ces compétences. M. Cavalli demande aussi la création d'une caisse maladie unique avec des cotisations basées sur les revenus.
"Sinon on crève!"
Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse et conseiller national (PS/VD), plaide pour le droit à la formation professionnelle et le droit à un premier emploi. "Avec des écoles fermées alors que les tatoueurs pouvaient rouvrir, on a eu l'impression que les jeunes étaient considérés comme quantité négligeable. La jeunesse doit pouvoir travailler", a-t-il relevé.
Pour Anne Papilloud, secrétaire générale du Syndicat suisse romand du spectacle, cette crise a mis en évidence la précarité des acteurs culturels. D'où la nécessité d'écouter les professionnels sur d'autres façons de fonctionner, de payer le travail effectué et de donner des moyens suffisants à tous les secteurs culturels. Pour réduire les émissions de CO2, elle préconise d'aller à la rencontre des "non publics" locaux plutôt que de rayonner à l'étranger.
L'urgence d'agir face aux enjeux climatiques préoccupe le prix Nobel de chimie Jacques Dubochet. "On doit tous devenir économes en matière d'émissions. Cette leçon de démocratie nous est imposée, sinon on crève!" a souligné le Vaudois. Seul intervenant à porter un masque, il a mis en garde contre une seconde vague de contaminations et la multiplication implacable des cas sans mesures de protection.
"Se réconcilier"
"L'origine économique de la crise sanitaire devrait nous faire réfléchir", a pour sa part indiqué Sergio Rossi, professeur d'économie à l'Université de Fribourg. Selon lui, l'Etat peut être un acteur majeur de la relance de l'activité économique. Le pouvoir d'achat des personnes dont le revenu est inférieur à 4000 francs doit être augmenté grâce à des bons d'achat, tandis qu'un impôt doit être prélevé sur les gros patrimoines et les revenus élevés.
Tant l'ex-conseiller national Josef Zisyadis (POP/VD) que l'ancien directeur de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) Philippe Roch plaident pour l'éducation dès le plus jeune âge, respectivement au goût et à l'écologie. "Pendant la crise, on s'est rendu compte que manger est un acte agricole", a commenté M. Zisyadis, invitant la Suisse à devenir le premier pays entièrement bio dans dix ans. M. Roch appelle à "se réconcilier avec la Terre".
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