Le président de l’Union patronale suisse a lancé hier un lourd pavé sur le marché du travail. La fédération des employeurs met en garde contre la tendance à vouloir travailler moins. Ce sont les temps partiels qui sont visés.
Oui, et Valentin Vogt n’y a pas été par quatre chemins dans l’interview qu’il a donnée hier à Zurich. Les temps partiels, ça suffit. Il y en déjà beaucoup en Suisse. Il n’en faut pas davantage. Et même plutôt moins.
Ce sont clairement les femmes qui sont visées. Huit femmes sur dix travaillent à temps partiel. Eh bien elles feraient mieux d’augmenter leur temps de travail. Dans l’intérêt des entreprises, de l’emploi, de la prospérité et des revenus fiscaux de l’Etat.
Ce sont aux collectivités publiques que ce message s’adresse aussi : c’est aux communes et aux cantons de faire en sorte que les parents puissent se libérer plus facilement des enfants pendant la journée.
Ce n’est pas vraiment nouveau comme propos. Si ce n’est que c’est en général la gauche qui demande davantage de garderies d’enfants.
Oui, mais nous vivons une époque qui donne parfois l’impression que tous les repères sont en train de se déplacer. L’interview de Valentin Vogt a été publiée la veille d’un grand symposium qui se tient aujourd’hui à Zurich sur la conciliation du travail et de la vie privée. Or le point de vue des entreprises semble tout d’un coup bien moins conciliant que leurs déclarations de ces dernières années.
Comment expliquer cette soudaine crispation ?
Il faut probablement la mettre en relation avec tout ce qui se dit d’alarmant sur l’accélération de la révolution numérique. Ce phénomène accélère aussi le rattrapage et la mise à niveau des pays en développement. La concurrence va s’intensifier. Les entreprises veulent des ressources humaines en ordre de bataille pour résister.
Le président des employeurs fait remarquer qu’en dessous de 60% de temps de travail, les emplois deviennent inefficaces. Dans les postes dirigeants, le plancher est de 80%. Et là, Valentin Vogt navigue dans les généralités. Parce qu’en réalité, les entreprises sont nombreuses à ne plus accepter du tout de temps partiels. Et pas seulement dans les start-up technologiques.
Mais la révolution numérique va probablement laisser beaucoup de monde sur le carreau. C’est le moment de partager le travail, non ?
Oui, c’est une vraie préoccupation. Y compris parmi les dirigeants d’entreprise, d’ailleurs. Mais il y a aussi une autre réalité. Démographique cette fois. Surtout dans un pays comme la Suisse, dont l’économie est surdimensionnée par rapport au bassin de population. Il y a cinq millions d’emplois en Suisse. Un million d’actifs partiront à la retraite ces dix prochaines années. 400.000 personnes seulement entreront sur le marché du travail.
D’où l’importance de l’immigration.
Oui, mais il faudrait au moins 600 000 personnes directement employables. Ça fait 60 000 par an. Eh bien c’est très au-dessus des compétences que la Suisse a importées ces dernières années. Et l’on sait que ce n’est pas sans problème sur le plan politique. C’est probablement cela qui rend les employeurs un peu nerveux.