Au coeur de l'affaire se trouve l'un des plus grands gisements inexploités de minerai de fer de la planète, au Simandou, en Guinée. Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), l'entreprise que dirige le prévenu, avait obtenu des droits miniers dans la région. Selon l'accusation, l'opération a donné lieu au versement de pots-de-vin.
Entre 2006 et 2012, 8,5 millions de dollars auraient atterri sur les comptes de Mamadie Touré, la quatrième épouse de l'ancien président guinéen Lasana Conté, mort en 2008. Un montage impliquant une société offshore et la vente fictive de terrains en Roumanie aurait par ailleurs été utilisé pour faire transiter discrètement les fonds.
Tour de chauffe
La journée de lundi a été consacrée aux nombreuses questions préjudicielles soulevées par la défense de Beny Steinmetz. Les avocats Christian Lüscher et Daniel Kinzer ont notamment demandé à la Cour d'appel de ne pas tenir compte des déclarations de plusieurs témoins dans ce dossier, les estimant inutilisables juridiquement.
Ils s'en sont particulièrement pris aux auditions de Mamadie Touré. Résidente aux Etats-Unis, la femme de feu le président Lasana Conté, a été interrogée en tant que témoin "coopérant" par les autorités américaines. Elle collabore avec le FBI et la défense n'a jamais pu s'entretenir avec elle en face-à-face, a déploré M. Kinzer.
Son témoignage a été obtenu en échange d'une réduction de peine, a affirmé l'avocat. Les propos de Mamadie Touré, qui mettent en cause Beny Steinmetz, ont pu être influencés par les énormes enjeux financiers qui entourent ce gisement au Simandou et par la volonté de montrer que la Guinée lutte contre la corruption, a-t-il ajouté.
Les avocats du prévenu ont également demandé à pouvoir interroger l'ancien procureur qui avait instruit l'affaire pendant sept ans, afin qu'il s'exprime sur les échanges qu'il a eus, au cours de plusieurs voyages, avec les autorités judiciaires israéliennes, américaines et guinéennes.
Ecran de fumée
Pour le premier procureur Yves Bertossa, ces manoeuvres de la défense ont pour unique but de trouver une faille procédurale. Elles donnent "l'impression de ne pas avoir envie d'aborder le fond de l'affaire". Or, à ses yeux, jamais un dossier international de corruption n'a été constitué d'autant d'éléments matériels.
Deux autres personnes se retrouvent sur le banc des accusés. Il s'agit d'un Français qui aurait eu un rôle d'intermédiaire pour faire parvenir l'argent à Mme Touré et d'une Belge, directrice administrative des sociétés de Beny Steinmetz à Genève, qui aurait pris part au montage financier visant à masquer les pots-de-vin.
La Chambre pénale d'appel et de révision s'est donné l'après-midi de lundi pour trancher les questions préjudicielles mises en avant par la défense des accusés. L'audience reprend mardi, à 09h00.