On parle beaucoup ces temps d’entreprises suisses acquises par des investisseurs industriels chinois. Et de l’importance que prend l’économie chinoise dans le monde. Est-ce un danger pour la Suisse ?
A première vue non. Les acquisitions chinoises en Suisse ont augmenté l’an dernier, et elles ont diminué en Europe. Il y avait davantage d’incertitudes en Europe qu’en Suisse. Ça peut changer d’une année à l’autre.
On parle quand même de treize acquisitions en 2018. C’est six de plus que l’année précédente.
Oui, mais les entreprises acquises sont souvent en difficultés. La marque Bailly, très difficile à développer dans le monde. Ou Technosoft à Neuchâtel, pour en rester aux cas romands. Des entreprises qui n’ont pas trouvé d’autres repreneurs plus locaux à des prix qu’elles jugent décents.
Les Chinois sont moins regardants, plus généreux. Parfois euphoriques. A leurs yeux, ces entreprises acquises sont des têtes de pont en Europe. Ça n’a pas de prix. Ils ont des moyens et sont en phase d’investissement. A crédit d’ailleurs. Les entreprises chinoises ont des niveaux d’endettement souvent très élevés.
Vous voulez dire que cette vague pourrait bientôt retomber ?
Ou même s’inverser. Il y a un moment où l’endettement des entreprises chinoises devra diminuer. A l’occasion d’une crise par exemple. Bien des filiales à l’étranger seront revendues en urgence pour rentrer des liquidités.
Ce n’est évidemment pas souhaitable pour la Suisse, parce que certaines de ces entreprises devenues chinoises ne trouveront pas de repreneur. Elles seront liquidées. Ou quelques unes seulement resteront chinoises.
On a d’ailleurs déjà vu ce genre de retournement dans le passé.
Oui, s’en souvenir permet aussi de relativiser : dans les années 1960, les entreprises américaines reprenaient des entreprises européennes à tour de bras. Il y a eu ensuite la vague japonaise dans les années 1970, plus tard les groupes coréens. La vague actuelle est à la hauteur de la puissance de la Chine, mais le gouvernement chinois a identifié le danger. Il cherche aujourd’hui à dissuader les sorties de capitaux.
Il y a aussi davantage de réticences en Suisse qu’avant.
Oui, toute l’Europe débat de la protection des activités économiques stratégiques. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de consensus sur ce que le stratégique recouvre précisément.
Et quelles nouvelles du groupe suisse Syngenta ? Acquis il y a deux ans par un conglomérat public chinois pour 43 milliards de francs ?
Oui, Syngenta et son important site industriel de Monthey. Eh bien les nouvelles sont bonnes pour l’instant. Syngenta a l’air de continuer son développement dans le monde à partir de la Suisse. Le marché chinois lui est ouvert, comme promis.
Mais c’est un cas très particulier. Par son importance. Et puis Syngenta, c’est de l’agrochimie, avec des pesticides. Un secteur de plus en plus sensible, qualifié de stratégique. La vente de Syngenta en 2017 a-t-elle été une bonne, ou une mauvaise chose ? Il faudra peut-être attendre pas mal d’années avant de s’en faire une idée définitive.