Tout le monde se souvient en France et en Suisse des légendaires catalogues des 3 Suisses. L’entreprise vient d’être acquise par une référence du e-commerce et vous allez nous dire que c’est assez nouveau comme opération de sauvetage. Mais les 3Suisses… est-ce vraiment un sujet suisse ?
Non, pas du tout bien entendu. Les 3Suisses, c’est même une affaire bien française. Basée dans l’agglomération de Lille-Roubaix, à la frontière belge. Comme son grand concurrent La Redoute, d’ailleurs. L’entreprise 3Suisses réalisait encore plus d’un milliard d’euros de ventes en 2000 avec son catalogue de mode. Et il était impossible de ne pas connaître ce nom en Suisse romande. La publicité ne cessait pas sur les chaînes de radio et de télévision.
Alors dites-nous quand même pourquoi ça s’appelle 3Suisses…
Rien à voir non plus avec le serment fondateur du Grütli. C’est une histoire bien plus anecdotique en fait : l’entreprise a été créée en 1932 par M. Toulemonde. Oui, c’était son nom. Xavier Toulemonde, comme ça se prononce. Et la légende raconte que tout près de là se trouvait un café tenu par un monsieur Suys. C’était son nom également. Prononcer Suisse. M. Suys avait trois filles, assez élégantes probablement. Alors les habitués disaient qu’ils allaient boire un verre chez les trois Suys. Voilà, c’est apparemment ce jeu de mots qui a donné son nom au catalogue.
Comme c’est joli ! Le catalogue existe encore ?
Non, mais il y a un site de e-commerce. En fait, la trajectoire des 3Suisses fait un peu penser à celle du catalogue Veillon, devenu Veillon.ch. Basé à Lausanne-Bussigny à l’époque, en Suisse alémanique aujourd’hui. Ils ont été l’un et l’autre des pionniers du web commercial sur leur marché de référence dans les années 1990. Les 3Suisses l’ont même été dans le commerce mobile, avec une application en 2007 déjà.
Mais ça n’a pas suffi. En Europe comme aux Etats-Unis, les opérateurs directement issus du web ont très vite laminé tous les grands de la vente traditionelle par correspondance. Traditionnellement assez paternalistes, d’ailleurs.
Les 3Suisses ne vendent plus qu’un cinquième de qu’ils vendaient à l’âge d’or de la vente par correspondance. Ils sont devenus chroniquement déficitaires en 2005. Le catalogue imprimé a disparu en 2014. On parle maintenant de vente à distance s’agissant de e-commerce. C’est une toute autre culture économique. Une autre logistique aussi, avec des salaires de manutention disons… assez différents également.
Et qui est le repreneur des 3Suisses ?
ShopInvest, une sorte de fonds d’investisssement qui regroupe une dizaine de sites de e-commerce plus ou moins spécialisés en France. Et ce qui intéresse ShopInvest, ce sont surtout les 2 millions de clientes des 3Suisses encore actives. Sur les 8 millions du fichier complet. Et ce n’est pas que du troisème âge. Mais on ne sait pas très bien en revanche si la marque subsistera.
C’est surtout la première fois (à ma connaissance) que du e-commerce vole au secours d’une enseigne grandie dans la vente par correspondance. A défaut d’être un sujet suisse, les trois Suisses deviennent en quelque sorte un cas d’école universel de e-commerce On connaît les géants du web qui reprennent des réseaux de point de vente. A commencer par Alibaba. Ou Amazon, qui a repris récemment les boutiques bio Whole Food dans le monde anglophone. Des grandes surfaces aussi. 91 000 employés dans le monde. Mais de la vente par correspondance, non: je crois qu’on n’a jamais vu cela. A suivre, donc.