Le marché suisse des actions reprend ce matin après la pause du 1er mai. Et l’on reparle de records. Avec l’objectif mythique des 10 000 points sur l’indice SMI. Qu’est-ce que ça signifie pour l’économie réelle ?
Eh bien ça signifie que le modèle de ces dix dernières années fonctionne encore à plein régime. C’est le modèle de l’effet de richesse dans le monde développé : les banques centrales créent de la monnaie. Cette liquidité va surtout dans les marchés financiers. Les institutions et les privés plus ou moins fortunés se sentent plus riches. Ils sont moins regardants sur leurs dépenses et leurs investissements. C’est cette confiance qui alimente et stimule la croissance de l’industrie et des services.
Il y avait pourtant beaucoup de scepticisme au dernier trimestre de l’année dernière. Aujourd’hui, tout semble déjà oublié.
Oui, on peut même parler d’euphorie. L’explication en général donnée sur les marchés financiers, c’est que toutes les craintes de guerre commerciale liées aux regains de protectionnisme dans le monde se sont progressivement dissipées. Les entreprises américaines continuent d’augmenter leurs marges. Ça reste l’indicateur numéro un des marchés, malgré tout ce que l’on entend sur le déclin américain. Et les banques centrales ne paraissent pas pressées de relever des taux d’intérêts anormalement bas. Parfois négatifs à court terme, comme en Suisse.
Alors qu’en est-il du ralentissement tant annoncé de la croissance?
Oui, en Suisse vous voulez dire. On a beaucoup parlé cet hiver d’une croissance de la valeur ajoutée ramenée de plus de 2,5% l’an dernier à moins de 1,5% cette année. Une normalisation en quelque sorte. Alors on attend le chiffre du premier trimestre. Et l’on commence à se dire qu’il pourrait être sensiblement moins régressif que prévu. Parce qu’en plus, la politique de change de la Banque nationale fonctionne plutôt bien. Le franc est relativement stable, ce qui ne pénalise pas trop les exportations.
Et ce modèle d’effet de richesse sur l’économie devrait durer jusqu’à quand ?
Alors ça… Si j’avais une réponse, je vous la vendrais très cher ! Ce que je peux vous dire avec certitude, c’est que tous les modèles économiques ont une fin. Et le schéma de fin que l’on a en général en tête, c’est le dernier en date. C’est-à-dire 2008. Si une crise de confiance de ce genre se reproduisait sur les marchés financiers à l’échelle mondiale, sous un prétexte qui ne serait probablement pas cette fois l’immobilier américain, que se passerait-il ? Nul ne le sait.
Surtout que ça a commencé de se gâter à l’époque au moment où le marché suisse des actions était au niveau auquel il se trouve actuellement.
Oui, très précisément, ce qui est un peu troublant. Quand les marchés financiers se sont orientés à la baisse en avril 2007, il y a douze ans, on se rapprochait aussi de l’extase du SMI à 10 000 points. Comme aujourd’hui. Mais ce n’est que dix-huit mois plus tard que les marchés ont complètement abdiqué, comme l’on dit. Alors disons que ça laisse un peu le temps de voir venir.