Le procès d’UBS à Paris est attendu depuis six ans. Eh bien voilà, il commence cet après-midi à 13h30. Et à ce stade, les commentateurs sont perplexes sur les raisons qui ont incité UBS à vouloir ce procès.
C’est difficile à comprendre. L’accusation porte sur un système d’incitations à l’évasion fiscale de contribuables français vers la Suisse. Quelque chose d’assez banal en somme. Qui a été soldé ici et là en Europe par des arrangements extra-judiciaires avec la fin du secret bancaire. Solder ainsi des pratiques douteuses vaut mieux que les étaler dans des procès.
En France, UBS a délibérément opté pour le contraire : la voie judiciaire. Alors que la banque aurait eu plusieurs possibilités de convenir d’une transaction. Jusqu’à récemment encore.
Ce choix a en fait quelque chose d’assez sensationnel. D’abord parce que la banque suisse est de loin le leader mondial de la gestion de fortune privée transfrontalière. Elle focalise un maximum d’attention sur cinq continents. Ensuite parce que la direction du groupe à Zurich a été choquée par les montants forfaitaires qui lui ont été proposés par la justice française. La banque estime que ce qu’on lui reproche n’est ni démontré ni démontrable.
Il y avait quand même des employés et des cadres d’UBS qui se rendaient en France. C’était pour y convaincre de grandes fortunes d’ouvrir des comptes défiscalisés en Suisse.
Ce sont ces accusations qu’UBS conteste : selon elle, des employés se rendaient effectivement en France. Mais c’était pour y rencontrer des clients déjà existants. Ce qui n’est pas interdit par les dispositions antifraude françaises. Ensuite, si des clients déjà existants vous recommandent auprès de clients pas encore existants ? Et qu’ils vous contactent ? Tant mieux, mais ce n’est pas se rendre en France pour démarcher de nouveaux clients. Ou alors ça demande à être démontré cas par cas.
C’est quand même assez subtil comme différence, non ?
Oui, vu de l’extérieur. C’est bien pour ça qu’on ne comprend pas pourquoi UBS a choisi d’aller se battre sur un terrain aussi casse-gueule. Les audiences publiques vont durer des semaines. Les arguments d’UBS vont se retourner les uns après les autres contre elle. Et l’on ne voit pas pourquoi l’appareil judiciaire français serait bien disposé face à un groupe bancaire suisse providentiel : n’est-ce pas l’occasion de lui faire porter la responsabilité de décennies d’incurie fiscale en France ?
UBS parle d’ailleurs depuis le début d’une instruction biaisée par la perspective d’en faire un procès politique.
Et ce sera évidemment un procès à large dimension politique. Et à grand spectacle. Un exutoire, une curée. A moins bien entendu que la banque ait une stratégie géniale pour s’en sortir à son avantage. Cette minuscule perspective entretient encore un suspense qui pourrait assez vite retomber. Et se transformer en longue torture pour l’ensemble de la place financière suisse. Et pour les 60.000 employés d’UBS en Suisse et dans le monde.