Deuxième jour du procès des agresseurs de Saint-Jean devant le Tribunal criminel à Genève. Deux des cinq accusés sont devant la justice.
Majeurs au moment des faits, les deux accusés ont agressé, avec trois autres mineurs, deux trentenaires sur les voies couvertes de Saint-Jean en janvier 2017. Un déchaînement de violence gratuite selon l’acte de l’accusation. Des coup de poings, des coups de pieds donnés à la tête « façon pénalty », de coups de batte de baseball et même de casque de moto. Suite à cette attaque, les deux victimes sont lourdement handicapées. La plus touchée, s'est présentée de manière inattendue devant le Tribunal criminel ce mardi après-midi.
C’est une forte émotion qui s'est emparée de la salle lorsque la victime, M. est arrivée en chaise roulante, entourée de sa famille. A cause des coups à la tête et des hématomes, l’homme souffre de troubles cognitifs graves. Ce qui est désarmant, c'est que M. sourit, il ne semble pas du tout se rendre compte qu'il est devant ses bourreaux. Ses proches lui sourient aussi, mais la seule vue de ce jeune trentenaire dont la vie est brisée, suffit à convaincre de la gravité de l’attaque. Suit alors le descriptif de son médecin chargé de sa réadaptation à l'Hôpital de Loex. La victime souffre de lésions cérébrales sévères. Suite au choc, une partie de l’os de sa boite crânienne et de son cerveau ont dû lui être enlevé. Il ne peut plus déglutir et cela affecte sa capacité respiratoire. Il a besoin d’une sonde pour s’alimenter et prend de nombreux médicaments chaque jour. Il ne peut plus marcher et ne peut plus parler, juste des sons mais pas de mots. M. souffre également de dépression et son espérance de vie est réduite. Lorsqu’on interroge le médecin sur sa capacité de compréhension, il indique qu’il réagit à la présence de sa famille. Une famille qui, heureusement, vient le voir quotidiennement.
Sa famille était aussi appelée à témoigner. "Avant l’agression, M. était le pilier de la famille , explique sa sœur, le protecteur. Il s’occupait beaucoup de nous". Chaque jour, il appelait sa mère et ses sœurs. Il n’aimait pas le conflit et il essayait toujours de calmer les gens. Puis elle s’effondre en pleurs «C’est si difficile de savoir ce qu’il pense, nous n’avons aucun moyen de savoir s’il a mal, s’il a une douleur ». Après le drame, c'était l’enfer, et même l’enfer c’est moins grave ». Puis vient le tour du père. «Mon fils est mort, dit-il, j’ai perdu mon bras droit ». Mes enfants ont peur de sortir. J’aimerais qu’ils soient protégés. Il fait confiance à la justice suisse, pour donner l’exemple à ceux qui veulent faire comme les cinq agresseurs, pour que cela ne se reproduise plus.
Dans la matinée, c'était au tour du deuxième accusé de donner sa version des faits. Comme l’autre prévenu, il est accusé de tentative d’assassinat. Les deux accusés ont agressé, avec trois autres mineurs, deux trentenaires en janvier 2017 sur les voies couvertes de Saint Jean. Le profil de l’accusé:
P. a 20 ans, il est brésilien et il est arrivé à l’âge de 7 ans en Suisse. Sa mère est pasteure et il n’a jamais vraiment connu son père. Adolescent, il est placé dans une classe spécialisée pour ses difficultés. Il a fait du foot mais il a dû arrêter à cause d’une blessure. A 12 ans, il commence un sport de combat, le MMA. Interrogé sur l’incidence que peuvent avoir des coups donnés à la tête, il répond : "je ne savais pas que ça pouvait avoir des conséquences si graves, j’ai été frappé une fois à la tête mais j’avais juste des bleus". Il est repris par Simon Ntah, l'avocat d'une des victimes. "Vous étiez plus tranché lors de votre audition. Vous aviez appris qu’il ne fallait jamais frapper quelqu’un à la tête, quand il est à terre !" Beaucoup de questions du Tribunal sur l’existence d’une bande de caïds, la bande des Charmilles, il nie, "c’était plutôt une famille". "Je ne réfléchissais pas à l’époque j’agissais, dit encore l’accusé. Je me posais pas de questions". Interrogé sur les coups donnés à la tête « façon pénalty » à la victime de Saint Jean, l’ancien footballeur nie avoir pris l’élan. « La bagarre est partie, parce que je l’ai vu donner des coups de poings au plus jeune du groupe, « le petit » comme il l’appelle. Je veux assumer dira-t-il encore. Je pense que j’ai donné des coups. Le juge le reprend. "Ne dites pas je pense, dites, j’ai donné". Ce ne sont que les sirènes de la police qui l’ont fait fuir.
Le procès se poursuit mercredi avec l'audition des experts.