Au préalable, Yaël Hayat, une des trois avocats du magistrat, l'a interrogé sur la manière dont il appréhende ce procès. "Avec une certaine impatience, a-t-il répondu. Depuis trois ans, c'est un calvaire que je vis et dont je suis pour une très large part l'origine. J'ai aussi une certaine appréhension."
Au niveau personnel, cette affaire "m'a obligé à me faire aider, ce qui n'est pas naturel chez moi. On n'en sort pas indemne par rapport à sa famille, à sa conception du pouvoir et de son exercice. On en sort plus conscient de ses responsabilités", a expliqué M. Maudet. Sur question de Me Hayat, il a admis être aussi plus conscient de ses "limites" et "lâchetés": "Sous le magistrat, il y a toujours un homme."
"Un objectif important"
"Je réfute cette accusation", a déclaré Pierre Maudet, interrogé par le tribunal sur le voyage en famille à Abu Dhabi de novembre 2015, payé par les autorités locales et qualifié d'acceptation d'un avantage par le Ministère public. Le conseiller d'Etat a déclaré avoir accepté une invitation officielle qui allait permettre au canton de "resserrer les liens" avec les Emirats arabes unis.
Il n'apprend que le 1er novembre que ce séjour luxueux est entièrement pris en charge par le prince héritier. Il l'évalue à 10'000 francs, alors que son coût est cinq fois plus élevé. "Je n'ai pas poussé la curiosité plus loin." Il envisage bien d'y renoncer, mais "les Emirats étaient un objectif important." Et il avait peu vu sa famille en 2015: "Le risque de l'exposer était minime."
"Une réaction stupide"
Au printemps 2016, les médias commencent à l'interroger sur ce voyage. Le magistrat ment, il craint pour son image. "J'ai eu une réaction stupide en affirmant que le voyage avait un caractère privé, mais sa dimension officielle était très importante". "Habiller ce voyage en voyage privé m'a permis de le soustraire aux regards de l'opinion", a-t-il justifié.
"Difficilement influençable"
Pierre Maudet a admis qu'il n'aurait pas été invité à Abu Dhabi cette année-là sans l'intervention de l'entrepreneur Magid Khoury, poursuivi pour octroi d'un avantage, tout comme Antoine Daher, l'intermédiaire entre les deux hommes. "Mais je n'aurais pas lâché le morceau." Il ne se considère toutefois pas redevable. "Je suis quelqu'un de difficilement influençable. J'évacue vite le risque."
Le conseiller d'Etat a aussi contesté l'accusation d'acceptation d'un avantage pour le financement à hauteur de 34'000 francs d'un sondage en 2017 par des entreprises appartenant à Magid Khoury. "C'est un financement ordinaire", a-t-il déclaré. L'argent a été versé à son association de soutien et non au PLR, parti dont il a été exclu en 2020.
"Rien en retour"
M. Khoury a également contesté "toutes les accusations". Il ne pense pas que M. Maudet aurait reçu une invitation officielle sans l'intervention de son oncle à Abu Dhabi, mais il n'attendait "rien en retour". Et il n'a rien à voir avec le fait que la famille et l'ex-chef de cabinet du magistrat ont aussi été invités. Quant au sondage, il a accepté de verser 15'000 francs. Il a découvert plus tard que ses entreprises en avaient financé l'intégralité.
L'entrepreneur a évoqué son projet de campus de l'innovation au Pré-du-Stand lors d'un repas avec le magistrat, mais il n'estime pas avoir bénéficié d'une faveur quand il a décroché un premier rendez-vous avec le service concerné. Il a d'ailleurs rencontré d'autres conseillers d'Etat dans le cadre de ses projets immobiliers.
Le procès se poursuit mercredi avec l'audition de témoins, dont l'épouse de Pierre Maudet. Le procureur rendra ensuite son réquisitoire.
Source: ATS