Michel Agnant et Jérôme Christen ont bel et bien violé le secret de fonction. Les deux municipaux de Vevey (VD) s'en sortent toutefois avec une peine considérée comme "symbolique" de 10 jours-amende à 80 francs avec sursis pendant deux ans.
La présidente du Tribunal de l'arrondissement de l'Est vaudois, Anne-Catherine Page, a condamné mercredi à Vevey les deux élus pour une partie des faits seulement, soit pour la transmission d'informations confidentielles à leur conseiller personnel. Celui-ci n'avait pas le statut pour se voir confier de telles informations, a relevé la juge.
Contrairement au procureur, qui avait requis mardi 40 jours-amende, la présidente du tribunal a estimé qu'il n'y avait pas matière à sanction pour les deux autres cas, à savoir les documents fournis à l'avocat des deux municipaux et à la commission de gestion de la Ville de Vevey.
"C'est une tape sur la main avec une plume d'oie", a imagé Pierre Chiffelle, l'avocat de Michel Agnant, au sujet de la légèreté de la condamnation. Il a qualifié cette peine de "symbolique", sans exclure toutefois un appel ces prochains jours auprès du Tribunal cantonal.
Pour Robert Fox, avocat de Jérôme Christen, "la montagne a accouché d'une souris." Il a rappelé qu'au début de l'affaire, les deux élus de Vevey Libre faisaient face à huit dénonciations. Cinq ont été classées l'été dernier par le procureur, et deux autres n'ont pas été retenues mercredi par le Tribunal de police.
Révocation peu probable
Condamnés, Michel Agnant et Jérôme Christen peuvent théoriquement se trouver sous le coup d'une procédure de révocation du Conseil d'Etat. Une probabilité que Pierre Chiffelle "peine à imaginer" au vu du jugement. Il a expliqué que c'est le principe de proportionnalité qui devait dicter une telle décision de la part du gouvernement vaudois.
De son côté, le procureur Stephan Johner n'a pas exclu non plus un appel. "Les deux cas qui n'ont pas été retenus par le tribunal seront examinés à tête reposée", a-t-il dit, reconnaissant qu'il s'agissait "d'une question purement de droit." Comme la veille lors de son réquisitoire, il a affirmé que les deux accusés ne méritaient pas une sanction lourde au vu des faits reprochés.
Bonne foi plaidée
Michel Agnant et Jérôme Christen étaient jugés pour avoir fourni, à partir de la fin 2017, des documents confidentiels à des tiers. Les deux municipaux avaient transmis des procès-verbaux des séances de la municipalité et des documents internes en lien notamment avec l'affaire Girardin (du nom du municipal poursuivi pour gestion déloyale et abus de confiance).
Mardi durant leur audition, les deux accusés ont déclaré avoir agi de bonne foi. Décrivant une ambiance délétère au sein de l'exécutif veveysan, dans lequel ils étaient incapables de se faire entendre, ils ont expliqué qu'ils avaient préféré s'en référer à des tiers, quitte à transmettre des documents confidentiels. Pour le procureur, le duo aurait dû suivre les procédures légales plutôt que d'agir dans l'ombre en contournant la collégialité.
Ajoutées à l'affaire Girardin, les accusations portées à l'encontre de Michel Agnant et Jérôme Christen avaient plongé Vevey dans la crise. Les deux édiles avaient été suspendus de leurs fonctions en décembre 2018 par le Conseil d'Etat, à la demande de la municipalité de Vevey.
La prolongation de cette suspension avait toutefois été annulée début octobre par le Tribunal cantonal, qui avait jugé que la décision du gouvernement vaudois dérogeait au principe de proportionnalité. Les deux hommes avaient retrouvé leur poste le 9 octobre au sein du collège.