Vous aller nous parler d’un sondage qui fait état de la grande fatigue dont souffre le personnel des établissements médico-sociaux ?
C’est un mal sournois, connu de toutes les autorités en charge de la santé publique, mais personne n’en parle. Le personnel soignant, de manière générale, mais tout particulièrement employé dans les EMS, est épuisé. Le syndicat UNIA vient d’en apporter une preuve supplémentaire et chiffrée. Les résultats du sondage publié en fin de semaine dernière n’ont peut-être par la rigueur absolue d’une étude scientifique, mais ils démontrent l’ampleur du problème.
Les soignants souffrent d’une trop forte pression, mais ceux employés dans les EMS vivent une situation de surmenage.
Sur près de 3000 soignants sondés dans toute la Suisse, un bon tiers travaillent dans des EMS. 93% sont des femmes, en grande majorité aides-soignantes et assistantes en soins communautaires. Les trois-quarts des personnes sondées souffrent de problèmes physiques, et elles sont près de 86% à se plaindre d’une lourde fatigue, pour ne pas dire d’épuisement. Les médecins traitants n’auraient sans aucune peine à accréditer les chiffres, tant le problème est connu. Et on ne parle pas d’une sujet presque tabou : la proportion de personnes qui souffrent d’un « burnout », voire de dépression, dans le secteur de la santé est nettement plus élevée que dans d’autres domaines économiques.
Le climat n’a pourtant pas toujours été aussi tendu dans les établissements médico-sociaux ?
Bien-sûr que non. Il y a une trentaine d’années en arrière, plus de la moitié des résidents étaient partiellement ou presque totalement autonomes. Avec le développement des soins à domicile, une option qu’apprécient les personnes âgées et qui permet de réduire la facture à charge des pouvoirs publics, on entre aujourd’hui en EMS pour ses derniers mois de vie. Autrement dit, lorsqu’on est déjà gravement malade, pour ne pas dire grabataire. Ces aînés nécessitent des soins plus lourds, qui prennent plus de temps. Or à l’instar ce qui a été imposé aux médecins, la durée des prestations est limitée. Imaginez-vous faire la toilette d’une personne impotente en moins de trente minutes. J’ai parfois l’impression de les maltraiter, me confiait une soignante il y a peu.
Pourquoi alors ne pas engager plus de personnel ?
C’est clairement la principale revendication du personnel soignant des EMS, les conditions salariales venant après. Une assistante en soins gagne largement moins que 5000 francs par mois, avec à la clé des horaires irréguliers et des samedis en dimanches au travail. Le système de financement introduit en 2011 a placé les institutions sous pression. Alors que les sociétés occidentales doivent affronter le défi du vieillissement de la population, les institutions ne disposent pas de suffisamment de moyens. Pour créer des fonds propres nécessaires à un projet de construction, certaines fondations n’hésitent pas à économiser sur le dos du personnel.
Si le problème est connu, pourquoi les autorités ne réagissent-elles pas ?
Tout simplement parce que la réalité des chiffres leur fait peur. La proportion des personnes âgées va doubler d’ici dix ans, notamment dans le canton de Vaud, qui bénéficie pourtant d’une dynamique démographique exceptionnelle, puisqu’il vient de passer les 800 000 habitants. Alors qu’il faut soutenir une partie toujours plus importante de la population active, qui n’arrive malgré tout pas à boucler ses fins de mois, il faut dans le même temps affronter la vague du vieillissement. Les ressources ne se trouvent plus chez le contribuable, qui est déjà pressé comme un citron, mais bien dans les priorités des tâches de l’Etat. Car une crise majeure s’annonce: 47% des soignants sondés en établissement médico-social songent à quitter ce domaine d’activité !