Comment chiffrer les effets négatifs du mouvement des Gilets jaunes sur l’économie française ? Il y a eu beaucoup d’estimations ces dernières
semaines. Vu de Suisse, ça paraît tout de même assez aléatoire.
Oui, parce que c’est un exercice que l’on connaît bien dans toutes sortes de pays.Dont la Suisse. Mesurer les dégâts sur une économie nationale d’un événement à haute teneur émotionnelle. En Suisse, il s’agit depuis trente ans des menaces continuelles qui planent sur nos relations avec l’Union Européenne. Dans quelle mesure pèsent-elles, ou vont-elles peser sur l’économie ?
Il y a forcément une part importante d’intox. Je dis bien d’intox, pas de complot.Les milieux les plus concernés sont sincères. Ils agissent chacun de leur côté.
Mais ils ont souvent tendance à exagérer pour convaincre qu’il faut cesser de créer de l’incertitude et de la mauvaise ambiance.
En France, il y a quand même eu des dégâts considérables en décembre.
Oui, mais ils sont en général assurés. Les entreprises sont assurées contre toutes sortes de risques. Contrairement à ce qui a beaucoup été dit, et au plus haut
niveau, les dégâts de décembre ne vont pas peser sur la croissance économique de la France. Au contraire : les activités de réparation devraient stimuler le
produit intérieur.
Et le manque à gagner dans l’alimentaire, en pleine période des fêtes de fin d’année ?
Ça c’est une autre affaire. Il s’agit certainement d’une réalité, mais comment la chiffrer ? La palme de l’exagération revient probablement à Richard Girardot.
Le président de Nestlé France. Et de l’importante Association nationale des industries alimentaires à Paris. (Un ancien dirigeant à succès de la marque
Nespresso à Lausanne, soit dit en passant). Eh bien Girardot a estimé ce manque à gagner à 13 milliards d’euros. Et l’on a beaucoup de peine à le suivre.
Ce qui est certain aussi, c’est que la saison des résultats annuels va commencer pour les sociétés qui les communiquent. Certaines entreprises qui auront réalisé
de médiocres performances en 2018 pourront évoquer le mauvais climat créé par les Gilets jaunes. C’est de bonne guerre.
Et la ministre Muriel Pénicaud ? Elle déclarait l’autre jour que les dégâts indirects étaient « monstrueux ».
Oui, et elle faisait en fait allusion à l’image de la France. Auprès des touristes, mais surtout des investisseurs dans le monde. Dont le pays a tellement besoin
pour se réindustrialiser.
La présidence Macron devait convaincre les investisseurs que la France était redevenue un modèle d’ouverture et de modernité. Elle donne tout d’un coup
l’image d’une vieille monarchie républicaine jacobine à bout de souffle. En proie à de véritables jacqueries. C’est certainement le plus grand échec de
Macron et des Gilets jaunes.
Sans parler de l’ambition de faire de Paris une nouvelle City. Sur les ruines de la place financière de Londres et du Brexit. Sur les ruines du marché suisse des
actions aussi, privé d’équivalence boursière. Le rêve en a pris un sacré coup ces dernières semaines.
Mais tout cela ne sera jamais vraiment chiffrable.
https://www.radiolac.ch/podcasts/economie-avec-francois-schaller-15012019-071339/