L'Ecographie de François Schaller.
Le Contrôle fédéral des Finances vient de publier des chiffres sur les exportations de matériel de guerre. Elles représentent moins de 0,15% des exportations totales. La Suisse est pourtant proche du TOP 10 des exportateurs d’armes dans le monde.
Vous remarquerez qu’en Suisse, on préfère parler de matériel de guerre plutôt que d’armes ou d’armements. Ça inclut en fait la munition, les composants intégrables à l’étranger dans des produits finis. En Allemagne surtout. Et puis des systèmes électroniques. Surtout des dispositifs de guidage pour la défense anti-aérienne.
0,14 % de l’ensemble des exportations : c’est vrai que ça paraît peu. Ce sont les chiffres de 2016. Ça correspond à 410 millions de francs seulement sur 210 milliards de ventes à l’étranger. Mais il n’en faut pas plus pour figurer au 11e rang des exportateurs d’armes dans le monde. Après les Etats-Unis et la Russie, sans surprise.
L’Allemagne vient déjà en troisième position, au même niveau que la Chine. En général, quand on est un grand exportateur, on est aussi un grand exportateur d’armes. C’est aussi simple que cela. Et la Suisse est la vingtième puissance exportatrice dans le monde (chaque Etat de l’Union Européenne comptant pour un).
Il y a des débats politiques permanents et souvent acerbes dans tous les Etats démocratiques producteurs d’armes. La gauche et les organisations non gouvernementales s’opposent en général aux exportations. Pour des raisons humanitaires. Il y a d’ailleurs des dispositions strictes de droit international. On n’exporte pas des armes lorsqu’il y a une probabilité élevée qu’elles soient utilisées contre des civils. D’où le malaise actuel à propos de l’Arabie saoudite. Grande importatrice, soupçonnée en plus de crimes de guerre au Yémen.
Il n’y a d’ailleurs pas que les raisons humanitaires. Beaucoup d’Etats font partie d’alliances militaires. Ils s’abstiennent d’exporter vers d’autres Etats jugés hostiles. C’est rarement le cas de la Suisse. Les risques sont dans tous les cas difficiles à établir. Ils ne mettent jamais tout le monde d’accord. Les plus rigoristes estiment que le doute devrait suffire à interdire toute exportation d’arme. Même purement défensives, comme les systèmes anti-aériens.
La Suisse a tout de même bloqué des exportations vers 21 pays l’an dernier. Le Conseil fédéral envisage d’assouplir quelque peu les restrictions. De quoi remobiliser les activistes sur ce dossier. En fait, en matière de bonnes pratiques, la Suisse regarde surtout ce qui se passe en Allemagne. Sa principale partenaire et concurrente.
On pourra toujours soupçonner pour finir le légendaire lobby des armes d’œuvrer dans l’ombre. Mais est-ce bien nécessaire d’entretenir cette hantise en Suisse ? Pour moins de 0,15% des exportations globales ? Et RUAG n’est-il pas le groupe de référence en matière d’exportations d’armes et de munitions ? Or RUAG appartient entièrement à la Confédération.