Les milieux immobiliers sont en colère et l’ont fait savoir cette semaine par le biais de la Chambre Genevoise Immobilière à la suite d’une série de mesures annoncées dernièrement par le Conseil d’Etat de Genève en lien avec la fiscalité immobilière. Cédric Lenoir, spécialisé en droit immobilier, expliquez-nous la portée de ces annonces.
L’annonce faite par le conseil d’Etat concerne trois sujets en particulier en lien avec (1) l’imposition de la fortune immobilière, (2) la valeur locative des logements et (3) l’estimation des immeubles locatifs.
Le point le plus important et qui aura un impact significatif sur le bordereau de taxation de nombreux genevois concerne l’estimation fiscale des biens immobiliers, tels que les villas où les appartements en propriété par étage.
Qu’est-ce qui va changer concrètement ?
En principe et selon le droit fédéral, les immeubles devraient fiscalement être évalués à leur vénale (valeur de marché), ce qui implique de faire une estimation en fonction d’un certain nombre de critères (le lieu, la vétusté, taille du terrain etc.). Ce travail a été fait la dernière fois à Genève en 1964 et n’a jamais été renouvelé depuis compte tenu du travail immense que cela représente.
Au-lieu de ça, Genève a décidé de réévaluer régulièrement la valeur des immeubles en appliquant une augmentation linéaire de 20%, ce qui a été fait trois fois depuis 1964, la dernière fois en 2004.
Dans la mesure où l’administration n’a toujours pas trouvé le moyen de réévaluer les immeubles sur une base concrète et que les estimations actuelles ne seront plus valables après le 31 décembre 2018, le Conseil d’Etat a décidé de réappliquer à nouveau à partir de l’an prochain une augmentation de 20% de tous les biens immobiliers, valable jusqu’en 2022.
Est-ce que cela concerne tout le monde ?
Non. Cela ne concernera que les propriétaires de biens qui ont été acquis il y a plus de 10 ans ou qui n’ont pas été réévalués pendant cette période à la suite d’une succession, d’une vente ou d’une donation par exemple. Par ailleurs, si les propriétaires estiment que la valeur fiscale de leur bien, avec cette majoration, excède leur valeur vénale, ils pourront contester la décision de taxation et demander une estimation réelle du bien en question.
Le problème de ce système est qu’il créé de grandes inégalités entre des propriétaires de bien acquis il y a longtemps par rapport à ceux qui ont été réévalués récemment.
Quelles sont les deux autres modifications annoncées par le Conseil d’Etat ?
La deuxième concerne l’indexation de la valeur locative. Comme vous le savez certainement, un propriétaire d’un logement est taxé sur un revenu fictif correspondant au loyer qu’il pourrait percevoir si son logement était mis en location. En principe, le Conseil d’Etat devait indexer la valeur locative tous les 4 ans, en l’espèce au début de cette année et à hauteur de 7.9 %. Pour des motifs électoraux le gouvernement y avait renoncé, mais annonce désormais une hausse de 4.7% pour 2018 et une indexation annuelle pour les années qui suivront.
Enfin, la troisième modification est plus technique et concerne le taux de capitalisation qui permet de fixer la valeur fiscale des immeubles locatifs. Ces taux ont diminué ce qui va entraîner là encore une augmentation de la valeur fiscale de ces immeubles.
En conclusion et comme vous le diront tous les fiscalistes citant Benjamin Franklin : en ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts.
Merci Cédric Lenoir, avocat en l’Etude LENOIR DELGADO & Associés, qui compte également deux avocats fiscalistes.