Pas de dysfonctionnements mais des manquements. C'est en substance le message qui ressort de l'enquête très attendue menée sur les abus à l'école dans le canton de Genève. Radio Lac s'est procuré le rapport confidentiel remis au Conseil d'Etat le 31 octobre dernier. L'analyse porte essentiellement sur la situation du collège de Saussure où Tariq Ramadan a enseigné entre les années 90 et 2000. C'est la première fois que la parole des témoins figure dans un document officiel.
Les auteurs du rapport, les anciens juges Quynh Steiner Schmid et Michel Lachat, ont enquêté sur trente ans et ont entendu une cinquantaine de personnes dont quatre anciennes élèves de Tariq Ramadan en poste entre 1984 et 2014 au cycle d'orientation des Coudriers puis au collège de Saussure. Toutes ont évoqué le comportement inapproprié, voire plus, de l'islamologue genevois, poursuivi aujourd'hui par la justice française pour des viols présumés. Alors qu'il était doyen et enseignant de français, ce dernier aurait tenté de séduire sans succès l'une de ses élèves âgée de 14 ans et serait parvenu à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres élèves âgées de 15 à 18 ans. Mais malgré plusieurs alertes aux doyens et directeurs de l'époque, le Département de l'instruction publique (DIP) n'a pas failli, selon les juges.
Une forme "d'omerta"
Les experts rappellent qu'il faut rester prudent pour plusieurs raisons. Premièrement, certaines personnes impliquées se sentent "accusés" par l'enquête et adoptent une position défensive. D'autre part, après la vague du mouvement #metoo - la libéralisation de la parole des femmes -, certaines d'entre elles peuvent apporter des témoignages qui risquent d'être dénaturés car les faits remontent à plusieurs dizaines d'années. De plus, dans les années 80-90 l'approche de la problématique liée aux relations sexuelles entre enseignants et élèves était différente. La discrétion et la pudeur étaient de mise et les problèmes se réglaient sans faire de bruit. Certaines personnes comparent cette situation à une forme "d'omerta".
En outre, les auteurs du rapport pointent du doigt l'absence de procédures. Ils indiquent qu'il "n'existait pas au sein du DIP de directives ou de protocoles réglant spécifiquement les comportements d'ordre sexuel - consentis - entre enseignants et élèves, ni de règles stipulant les comportements à connotation sexuelle admissibles, tolérés ou prohibés dans le cadre scolaire, exceptées les dispositions du Code pénal prohibant les atteintes à l'intégrité sexuelle".
L'obligation de dénoncer des relations sexuelles entre professeurs et élèves "ne paraissait pas non plus faire l'objet d'une disposition, d'un règlement ou d'une directive spécifique", relève le rapport. Ce genre de dénonciation était laissé "à la libre appréciation des directeurs, doyens ou enseignants des divers établissements scolaires".
Directeur tancé
A ce titre, le directeur du collège de Saussure est tancé par les juges. L'homme, en poste dans les années 80 et 90, a notamment manqué d'à-propos dans la gestion d'un cas particulier. Un jeune homme était venu le trouver pour dénoncer d'éventuelles relations sexuelles de Tariq Ramadan avec sa petite amie. Mais le suivi a fait défaut. Il est considéré par le rapport comme "insatisfaisant". Les experts relèvent le manque de curiosité et de volonté chez ce directeur "d'approfondir des faits rapportés par de tierces personnes, témoins directs de comportements inadéquats, au motif que de tels faits devaient être dénoncés par la victime elle-même". "Cela est d'autant plus regrettable, poursuivent les auteurs du rapport, qu'en l'occurrence les actes rapportés étaient qualifiés de graves par la doyenne de l'époque".
Une scène décrite dans le rapport illustre ces manquements. En juin 2002, lors de la remise des maturités du collège, Tariq Ramadan, entouré de plusieurs élèves, pour la plupart féminines, avec à ses pieds, des bouquets de fleurs déposés avait interpellé l'ancienne conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf. Elle avait qualifié la scène de "malsaine" mais n'a pas été plus loin. Aujourd'hui, cette scène pourrait déclencher une réaction plus vive de la part des enseignants et des parents d'élèves. Des parents qui pourraient exiger des explications. Le rapport indique que l'ancienne conseillère d'Etat aurait dû faire un meilleur suivi de cet épisode compte tenu du devoir des enseignants d'observer dans leur attitude générale, la dignité correspondant à leurs missions, notamment d'éducation et d'aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité (art.10 LIP).
Par ailleurs, Martine Brunschwig Graf a admis avoir menti à la presse. Elle avait été informée que Tariq Ramadan aurait entretenu des relations intimes avec certaines de ses élèves. Une enseignante à la retraite et féministe a indiqué, à une journaliste, l'avoir avertie personnellement par téléphone dans les années 1990. Ce n’étaient que «des rumeurs», s’est défendu publiquement l’ancienne magistrate. Les juges ont demandé plus d'explications. L'ancienne cheffe du département a précisé qu'elle a répondu au courriel de la journaliste "contrairement à ses règles habituelles, de façon erronée mais pour avoir la paix". Lorsqu'elle a indiqué qu'elle se souvenait de ce coup de fil, c'était pour éviter toute polémique. Et de souligner que "c'est une sottise de ma part d'avoir répondu de la sorte". Martine Brunschwig Graf ajoute, devant les juges, que la probabilité qu'elle ait répondue à ce fameux coup de fil était quasi nulle, car les appels parvenaient à la centrale et non sur sa ligne privée.
Tariq Ramadan, un "séducteur et dragueur"
Le rapport s'attardent aussi sur le profil de Tariq Ramadan. Selon plusieurs enseignants entendus par les experts indépendants, Tariq Ramadan est décrit comme une personne charismatique et prenant l'initiative dans différents domaines, tel que des activités culturelles, sociales ou sportives. Il maîtrisait la rhétorique à la perfection et captivait ses élèves. Certains osent même le terme de "fascination". Mais il agaçait ses pairs, en particulier par ses prises de position favorable à l'Islam. De même, son rapprochement avec ses élèves suscitait quelques méfiances, toujours en raison de ses idées liées à sa confession musulmane. Un autre enseignant affirme que Tariq Ramadan était notoirement connu comme séducteur et dragueur auprès des femmes adultes. La plupart des personnes entendues ont affirmé qu'ils n'avaient pas eu connaissance de rumeurs ou d'allégations portant sur des relations intimes ou sexuelles entre Tariq Ramadan et ses élèves.
Tariq Ramadan avait instauré la pratique d'inviter individuellement, en tant que maître de classe, tous ses élèves, garçons et filles à prendre les repas de midi dans un restaurant en dehors du Cycle des Coudriers selon plusieurs témoignages. Lorsque ce fut le tour d'une des victimes présumée, il l'a prise en charge sur le siège avant du passager et posa sa main droite sur sa cuisse gauche, tout en lui tenant des avances inappropriées et intrusives. Une autre ancienne élève des Coudriers a fait état d'attouchements sexuels dans la voiture de l'islamologue. L'emprise psychologique et les menaces de l'homme charismatique reviennent également dans les différentes auditions.
Recommandations
Une série de recommandation a été livrée au gouvernement genevois. Il doit se baser sur plusieurs axes afin d'améliorer l'écoute et la prise en charge d'éventuelles victimes. On peut citer notamment la prévention, une réglementation des relations sexuelles entre enseignants et élèves, une formation des enseignants et de l'information des élèves, l'obligation de dénoncer une relation sexuelle quelle qu'elle soit. Le Conseil d'Etat doit également prévoir un lieu d'accueil chaleureux et non public avec une personne de confiance, connue des élèves. Il doit être mixte avec une garantie de confidentialité dès le début de l'entretien. L'administration genevoise est ainsi invité à opérer un changement de paradigme dans sa capacité d'écoute afin que les élèves se sentent à l'aise de se confier en toute circonstance. Notons encore que l'entrée en vigueur de la directive de la P.DIP.01 du 20 septembre 2018, adoptée par le gouvernement, a fixé un certain cadre avec notamment une ligne d'écoute anonyme.
@GhufranBron
Nabil Derouiche
23 novembre 2018 à 6 h 04 min
vous pensez vraiment que nous allons croire un seul instant en un rapport qui se base sur de vieille rumeurs non fondés?
séducteur et dragueur? depuis quand cela est un crime?
procès moral provenant d'une justice dite laïc et démocratique...
cela semble plutôt s'inscrire dans la cabale mené à l'encontre du professeur.
Peintre
27 novembre 2018 à 17 h 51 min
On appelle sa de la jalousie hhhh
jacob lurse
24 novembre 2018 à 10 h 28 min
le gourou a tellement manipulé les esprits de certaines personnes, avec ses beaux discours! que malheureusement la véritable foi pour un croyant c'est avant tout de faire preuve de discernement, méfiez vous des usurpateurs qui vous conduirons avec de belles paroles sur le chemin de la turpitude, car c'est un signe de la fin des temps, le mensonge,l'adultère,la fornication, de manipuler les esprits des plus faibles.
Vous n'admettez pas que cet homme est pu commettre les viols qui lui sont reprochés, je ne puis affirmer le contraire, et cela restera certainement difficile à prouver.Mais cet homme a tout de même avoué avoir trompé sa femme à plusieurs reprises ne l'oubliez pas!! Il a usé de sa notoriété pour tromper une population qui a longtemps souffert d'un manque de repère et de reconnaissance. C'est beau de prêcher les lois fondamentales de l'islam sans même les respecter soi même, car il y a la justice de dieu et la justice humaine, si vous êtes croyant un véritable croyant, vous vous efforcer alors de ne plus suivre cet homme, car il a abusé de votre conscience et bafouer la religion par ses agissements.