Le président du groupe vaudois et soleurois Alpiq a fait sensation hier dans un entretien paru à Zurich. Il a expliqué que la sécurité d’approvisionnement de la Suisse en électricité serait menacée sans l’Accord cadre avec l’Union Européenne.
Oui, Alpiq est l’un des grands producteurs d’électricité en Suisse, et l’entretien est paru dans la Neue Zürcher Zeitung. Le quotidien proche des milieux économiques. L’économie s’est très vite prononcée en faveur de l’Accord cadre actuellement en consultation. De manière que la Suisse puisse enfin pacifier ses relations avec Bruxelles. On sait que les affaires n’aiment pas l’incertitude. Personne n’aime l’incertitude, d’ailleurs.
Il y a surtout eu la menace concrète sur la fin de l’équivalence boursière, qui pénaliserait le marché suisse des actions.
Oui, et l’exécution de cette menace par Bruxelles a été reportée de six mois. A juin prochain. Eh bien c’est dans trois mois. Lorsque ce chantage a commencé, fin 2017, on s’est dit que dans le fond, rien n’empêchait plus des intimidations beaucoup plus classiques dans l’histoire des tensions internationales. Sur l’approvisionnement énergétique par exemple. Eh bien voilà, nous y sommes.
Sauf que la menace ne vient pas de Bruxelles, mais de Suisse.
Oui, et l’on ne va pas reprocher à Jens Alder sa démonstration. Elle est implacable : Bruxelles ne veut pas convenir avec la Suisse d’un accord sur l’électricité sans le fameux accord-cadre actuellement en consultation. Or la Suisse est obligée d’importer du courant à certains moments. A des moments où d’autres pays en Europe peuvent aussi en avoir bien besoin. En hiver évidemment. Donc la Suisse sera toujours servie en dernier. Ce qui veut dire que sans accord cadre, il faudra un jour où l’autre s’attendre à des coupures de courant. Je ne crois pas que les hauts fonctionnaires de Bruxelles aient besoin d’Alder pour y penser.
Oui, mais ça tombe tout de même à un moment particulier. On peut dire que cet interview fait partie de la consultation sur l’accord-cadre ?
Oui, complètement. Ça fait partie du jeu. Et l’on se retrouve vite dans les argumentaires anxiogènes typiques des grands débats de politique européenne.
Ça renvoie aussi à la votation qui avait eu lieu en 2017 sur l’avenir énergétique de la Suisse. Les Suisses avaient plébiscité la Stratégie 2050. Elle vise à réduire leur dépendance grâce à du renouvelable, à une réduction de la consommation et à une meilleure efficacité énergétique. Mais ce sera très progressif. 2050, c’est encore loin. C’est sans rapport avec l’urgence européenne.
Jens Alder recommande aussi de rouvrir la question de la libéralisation complète du marché de l’électricité.
Oui, un vote populaire avait sèchement rejeté un projet de ce genre au début des années 2000. Et ça n’encourage pas les investisseurs de long terme dans la production d’électricité en Suisse. Ce serait donc à l’Etat de le faire. Mais c’est une sorte de tabou par ici. Il n’y a donc plus qu’une issue : consommer moins. Ce n’est pas facile quand on est de plus en plus nombreux.