La légalisation du cannabis au Canada vous inspire tout particulièrement
Pour de multiples raisons. Je ne vous cache pas tout d’abord qu’elle m’inquiète. Car après avoir pratiqué la chronique judiciaire durant de nombreuses années, je me permets d’affirmer que la problématique de la dangerosité est totalement sous évaluée. Mais ce n’est pas tant la question d’actualité. Ce qu’on met en exergue aujourd’hui au Canada, c’est le chiffre d’affaires, autrement dit le poids de ce marché dans l’économie. Je trouve tout de même surprenant qu’on puisse tirer des conclusions aussi définitives d’une expérience qui en est à ses premiers balbutiements.
Mais il y a une utilisation du cannabis que vous trouvez bien plus intéressante
Effectivement, c’est celui dont il est fait usage dans la région d’Andalousie par une architecte allemande, Monika Brümmer. Elle a créé une fabrique de briques, Cannabric, à Guadix, près de Grenade, éléments avec lesquels pas moins de 300 maisons ont été construites à ce jour, essentiellement en milieu rural. Ces éléments de construction ont une empreinte carbone plus favorable que les briques traditionnelles et des propriétés très intéressantes du point de vue de l’isolation phonique et calorifique. Dans les contrées chaudes, les briques en cannabis agissent comme un régulateur de température similaire aux grottes occupées durant l’été dans cette région du sud de l’Espagne.
Construire une maison en briques de cannabis revient assez cher
C’est vrai, tant que la fabrication se limitera à l’échelle artisanale. Pourtant, ces éléments peuvent également servir dans le cadre de rénovations de bâtiments construits avec des matériaux traditionnels. Selon la conceptrice, les cannabric permettent souvent d’éviter une isolation additionnelle et, au bout du compte, le prix de revient d’une maison reste raisonnable. Et pour ce qui est des joints, la chaux suffit. Inutile de chercher à fumer ce cannabis sativa qui contient moins de 0,2% de tetrahidrocannabinol –le fameux THC-, soit cinquante fois moins que la marihuana de consommation dite ludique.
Cette utilisation positive d’une matière qui a mauvaise réputation vous en rappelle une autre
Imaginez-vous qu’il y a trente ans, un ingénieur est parvenu à créer des briques à partir des ordures ménagères. Au point qu’une usine, du nom de Catrel, a été construite à Moudon, avec l’appui des autorités vaudoises. Malheureusement, le passage du laboratoire à la production industrielle a été un échec. Aussi cuisant d’ailleurs que celui, beaucoup plus récent, des panneaux solaires souples Flexcel, fabriqués à Yverdon-les-Bains dont le rendement n’était pas à la hauteur des espérances. Cette aventure s’est soldée par un échec cinglant et des pertes totalisant près de 100 millions de francs, montant investi par des capitalistes qu’on décrie trop souvent. Peut-être que le Canada pourrait faire œuvre de pionnier en consacrant une partie des revenus de la légalisation du cannabis aux énergies renouvelables.