L’épisode du président de la Confédération Alain Berset à Bruxelles en fin de semaine dernière a suscité bien peu de commentaires ce week-end. Comme si l’on ne savait pas très bien qu’en penser.
Il est vrai qu’on a l’impression qu’il ne s’est rien passé lors de cette visite de deux jours. Les commentateurs et analystes avaient même l’air un peu désemparés. La situation paraît pourtant bien plus claire qu’auparavant : contrairement à ce qu’exigeait la Commission européenne, il n’y aura pas de projet d’accord institutionnel finalisé entre Berne et Bruxelles avant la fin de l’année. Cette fois, c’est une certitude.
C’est dire si les carottes paraissent cuites : la Commission devrait exécuter sa menace de rétorsion : retirer au marché suisse des actions son équivalence dite « boursière ». Heureusement, cette mesure typique de haut fonctionnaire européen doit encore être approuvée par une majorité qualifiée d’Etats membres. Or aucun d’eux n’y aurait vraiment intérêt.
Vous voulez dire que la Commission européenne pourrait être désavouée par les Etats membres ? Et la menace retirée ?
Non, ce serait trop humiliant pour le président Juncker. Le plus probable à ce stade, c’est que l’équivalence boursière soit prolongée d’une année. 2019. Puis encore une année. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un éventuel accord institutionnel soit conclu et accepté par les citoyens suisses en vote populaire. Ça pourrait prendre une bonne décennie.
A moins que l’Union Européenne évolue en cours de route dans ses obsessions. Qu’elle finisse par renoncer elle-même à ce genre d’accord institutionnel. Surtout que l’équivalence boursière qu’elle envisage de retirer à la Suisse est accordée depuis longtemps aux Etats-Unis et à Hong-Kong. Sans libre circulation des personnes en contrepartie. Cette inégalité de traitement avec la Suisse ne serait pas si facile à justifier sur le long terme.
Mais qu’est-ce qui pourrait convaincre l’Union de renoncer à l’accord institutionnel qu’elle exige des Suisses depuis 2014 ?
Ce pourrait être à première vue l’évolution des relations avec le Royaume-Uni. Un dossier encore très imprévisible. Mais bien d’autres éléments nouveaux peuvent intervenir. L’actualité européenne n’en manque jamais.
En fait, toute la politique européenne de la Suisse repose sur des stratégies de temporisation. Attendre que des éléments nouveaux relèguent au second plan les pressions sur la Suisse. En émettant régulièrement des signes de bonne volonté. La semaine dernière, Alain Berset a ainsi déclaré la bouche en cœur que les Suisses restaient ouverts à la discussion.
Ce qui n’est cette fois plus du tout le cas des Européens. Ils auront pourtant tout essayé. En vain. Leur tentative de forcing a échoué. Aujourd’hui, il y a encore de longues négociations à vue avec Londres. Il y aura aussi les élections européennes de l’an prochain. Eh bien oui : ces contretemps ne font que favoriser une nouvelle fois la stratégie suisse de temporisation.