La Ville de Genève lance un projet de cimetière "naturel". Une zone sur le site de Châtelaine sera réservée à des inhumations respectant des principes plus écologiques. L'inauguration est prévue au printemps 2025.
Les corps se décomposent mal dans les cimetières genevois. Le constat n’est pas nouveau, un article paru en 1876 dans le Journal de Genève faisait déjà état de la mauvaise qualité des sous-sols du cimetière de Saint-Georges.
Quasiment 150 ans plus tard, la Ville de Genève a mandaté deux études pour analyser la qualité des sous-sols dans les cimetières municipaux. Résultat: la texture des sols, saturés en eau notamment, empêchent une bonne décomposition des corps dans certains cimetières. La texture des sols, la pollution, mais aussi la transformation des corps liés aux progrès de la manière peuvent aussi expliquer cette mauvaise décomposition.
Plusieurs recommandations ont été proposées pour améliorer la situation et prises en compte par la municipalité. Un projet de quartier naturel va aussi voir le jour dans le cimetière de Châtelaine. Les personnes qui souhaitent y reposer ou leur famille s’engagerait ainsi sur des principes à respecter. Anne Humbert-Droz, Cheffe du Service des pompes funèbres, cimetières et crématoire.
Pour Christina Kitsos, conseillère administrative de la Ville de Genève, en charge du Département de la cohésion sociale et de la solidarité", ce projet-pilote se veut plus respectueux de l'environnement et du cycle de la vie". Le quartier "naturel" pourra accueillir plus d'une cinquantaine d'emplacements.
Dans cette zone réservée, les personnes qui souhaitent y reposer ou leur famille devront s'engager à respecter certains principes. Parmi ceux-ci: le port de vêtements biodégradable et l'utilisation de fournitures funéraires écologiques (cercueils en bois indigène non vernis). Les ornementations végétales des surfaces devront être réalisées avec des plantes indigènes et vivaces.
Les pierres tombales devront provenir de Suisse ou des pays voisins et seront de tailles réduites pour éviter notamment la compaction excessive du sol. Enfin, la profondeur d'inhumation passera de 1,7 mètre à 1,2 mètre afin de favoriser le processus l'altération des corps. Une dérogation a été accordée par le canton sur ce point.
Ce projet-pilote a été élaboré dans la foulée des résultats de deux études mandatées par la Ville de Genève sur la qualité des sous-sols de trois cimetières (Saint-Georges, Châtelaine et Petit-Saconnex). Constatant que les conditions n'étaient pas toujours réunies pour une bonne décomposition des corps, la Municipalité cherchait des solutions pour y remédier.
Moins profond
Un crédit de plus de 262'000 francs voté par le Conseil municipal a permis de réaliser des analyses pédologiques, liées aux strates du sous-sol, et taphonomique, liées aux facteurs qui influencent la dégradation des corps. Premier constat: les résultats n'ont révélé aucune pollution inquiétante dans les trois cimetières.
Ces études ont montré que les couches les plus profondes (de 60 cm à 170 cm) sont les moins favorables à l'altération des corps, car leur teneur en limon et en argile y est importante. "Il y a aussi un appauvrissement de l'écologie nécrophage", a relevé Vincent Varlet, responsable de l'unité de taphonomie au Centre universitaire romand de médecine légale.
Les résultats ont également mis en évidence le fait que la nappe phréatique à Saint-Georges est trop proche de la profondeur d'ensevelissement des corps, ce qui peut ralentir leur dégradation. Pour les experts, il faudrait donc faire passer cette profondeur de 1,7 mètre à 1 mètre, voire même 60 centimètres. Un tel changement nécessite une modification législative, qui dépend du canton.
Aérer les sous-sols
Les spécialistes ont émis des recommandations pour améliorer la santé des cimetières. Le Conseil administratif, qui y adhère, a pris des mesures.
Il favorisera l'aération des sous-sols en intégrant des matériaux plus propices à la décomposition des corps et étendra l'interdiction de pesticide à l'entretien des tombes. La Ville privilégiera aussi la pose de monuments funéraires verticaux.
En 2023, 2817 incinérations ont été effectuées en Ville de Genève contre 480 inhumations. La Municipalité restera également attentive aux techniques alternatives de décomposition des corps, comme l'"humusation" qui consiste à métamorphoser les dépouilles humaines en terreau fertile. Cette pratique, qui nécessite encore une réflexion scientifique et éthique, est actuellement interdite en Suisse.
Source ATS