Les sujets juridiques et moraux abordés aujourd'hui :
Frais de rappel des entreprises de recouvrement
• Est-ce légal?
Mon chien a fait 3 dégâts que j’ai communiqué à mon assurance RC et
mon assureur a résilié ma police
• En ont-ils le droit?
Je me sépare d’une femme qui travaille à 30 %
• A-t-elle le droit de ne pas travailler plus et me demander de payer pour elle?
Auditeur 1 : Frais de rappel des entreprises de recouvrement
Marco (prénom d’emprunt)
Il a conclu avec un opérateur téléphonique un abonnement annuel.
Un mois avant la fin du contrat il décide de changer d’opérateur.
Récemment, il a reçu une facture d’une société de recouvrement qui lui demande de payer le mois restant Frs 59.-.
La société rajoute en plus Frs 70.- de frais supplémentaire dits « de retard ».
Question :
Est-ce que la société de recouvrement a le droit de demander le paiement de la facture pour son compte ?
Et des frais supplémentaires de 70.- « pour retard » ?
La loi :
Majeur
> Art. 164 al. 1 CO : le créancier peut céder son droit à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n’en
soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l’affaire.
> Art. 165 al. 1 CO : la cession n’est valable que si elle a été constatée par écrit.
> Selon l’art. 8 CC : la preuve d’un dommage incombe au créancier.
> Les frais de recouvrement ne constituent pas un dommage et n’ont donc pas à être supportés par le débiteur.
(Grégoire Geissbühler, Le recouvrement privé de créances : aspects contractuels et protection du débiteur, Schulthess (Zurich) 2016, N 1075).
Mineur
Concernant le paiement du dernier mois de l’abonnement (59.-)
> Une société de recouvrement achète des créances à d’autres sociétés, pour ensuite pouvoir revendiquer le montant qui leur est dû. La société se substitue donc au créancier initial et devient titulaire de la créance.
> Un tel substitut sans le consentement du débiteur est légal. Encore faut-il que le contrat entre la société téléphonique et de recouvrement ait été fait par écrit (164 al. 1 et 165 al. 1 CO).
- Marco avait conclu un contrat de téléphonie d’une durée de 12 mois. Il doit donc respecter son obligation et payer
le dernier mois restant à la société de recouvrement.
- Les Frs 59 sont bels et bien dus.
Concernant les frais supplémentaires « de retard » (70.-)
> Les sociétés de recouvrement ont pour activité principale, pour ne pas dire « unique », de se faire rembourser les montants dus.
> La société, en achetant une créance en cours de demande de remboursement sait qu’elle prend un certain risque.
> D’ailleurs ce risque justifie le montant sensiblement bas auquel la société rachète la créance.
> La société ne peut donc pas rajouter des frais supplémentaires sous prétexte d’un retard, compte tenu du fait que la société existe justement pour récupérer des créances en retard.
> Une société de recouvrement ne bénéficie pas d’un statut particulier. Sa demande de paiement de frais supplémentaires doit reposer sur une base juridique solide prévue par le code des obligations.
- La société n’est pas fondée à demander à Marco les Frs 70 de frais de retard.
La morale :
> Il faut payer les Frs 59 qui sont dus et écrire immédiatement à la société de recouvrement de créances pour les informer
que les frais ne seront pas payés étant donné que la démarche n’est pas légale.
> A contrario, si une entreprise vous facture des frais de rappel corrects Frs 5 / 10 / 15 … il me semble opportun, surtout si
ces frais à venir en cas d’arriéré de paiement sont mentionnés par le créancier, de les régler pour respecter le contrat
passé avec cette entreprise.
> Le deal passé étant un article ou une prestation contre le paiement dans le temps imparti (à réception, à 10, à 30 jours) …, si l’on ne respecte pas cet engagement obligeant l’entreprise à devoir nous relancer et engager du temps et des frais (temps pour le courrier, enveloppe, timbre, etc.) pour nous rappeler de respecter notre promesse, il convient moralement dans tous les cas, de les dédommager.
Les liens utiles :
• Grégoire Geissbühler « Le recouvrement privé de créances »
www.schulthess.com/verlag/detail/ISBN-9783725586134/Geissbuehler-Gregoire/Le-recouvrement-prive-de-creances
Auditeur 2 : Résiliation de la police RC
Tom (prénom d’emprunt)
• A adopté un chien de grande race qui fait beaucoup de bêtises
• Il a abîmé le mur de chez ses parents, rongé les chaussures de marque de l’une de leurs amies, mordu un petit chien
• A chaque incident il a déclaré ces sinistres à son assurance RC qui a remboursé les lésés
• Il a reçu un courrier de son assureur l’informant qu’ils résilient dans les délais légaux son assurance RC
Question :
• Est-ce légal ?
La loi :
Majeur
Art. 56 CO : en cas de dommage causé par un animal, la personne qui la détient est responsable, si elle ne prouve qu’elle
l’a gardé et surveillé avec toute l’attention commandée parles circonstances ou que sa diligence n’eût pas empêché le
dommage de se produire.
« Dans l’assurance responsabilité civile, l’assureur s’engage, en contreprestation de la prime d’assurance, à couvrir les
conséquences d’un dommage à un tiers commis par le preneur »
(droit des assurances privées, Brulhart Vincent, Précis de droit Stampfli, 2ème édition, p. 380)
28 LCA :
« 1 Si le preneur d'assurance provoque une aggravation essentielle du risque au cours de l'assurance, l'assureur cesse pour l'avenir d'être lié par le contrat.
2 L'aggravation est essentielle lorsqu'elle porte sur un fait qui est important pour l'appréciation du risque (art. 4) et dont les parties avaient déterminé l'étendue lors de la conclusion du contrat.
Le contrat peut stipuler si, dans quelle mesure et dans quels délais le preneur doit donner avis de l'aggravation du risque à l'assureur. »
Selon la jurisprudence, Il y a aggravation du risque que s’il y a une certaine durabilité de l’aggravation en question. Cette aggravation est décisive si on doit admettre que l’assureur n’aurait pas maintenu le contrat aux mêmes conditions ou l’aurait maintenu qu’à d’autres conditions plus restrictives ou plus onéreuses, s’il avait connu les circonstances nouvelles (ATF 122 III 458).
L’entreprise d’assurance est en droit, dans les quatre semaines qui suivent la date de réception de l’annonce, soit de résilier par écrit le contrat avec un préavis de six semaines, soit d’adapter la prime à la date de l’aggravation du risque.
Mineur
Le chien de Tom fait beaucoup de dégâts. Il est donc responsable des dégâts commis par son chien mais son assurance responsabilité civile prend en charge les montants.
Le chien aggrave le risque de dommages d’une façon durable car il commet de nombreuses bêtises qui coûtent à
l’assurance.
Conclusion
L’assureur peut valablement résilier le contrat
La morale :
Sachant que l’assureur peut résilier le contrat et mettre son assuré dans une position inconfortable parce qu’il se retrouve sans assurance et que si un incident important lui arrive à ce moment-là il prend de très gros risques mais également parce qu’à la souscription d’une nouvelle assurance, très souvent, il est demandé si le demandeur a été exclu d’une compagnie et cela peut poser problème pour la souscription d’une nouvelle assurance également, il convient avant de déclarer à son assurance un sinistre, de se poser la question de sa pertinence.
Lorsqu’on cumule les sinistres autant se poser la question (déjà à partir de deux) si ça ne vaut pas mieux de régler soi-même le montant et être sûrs de conserver son assurance.
Les liens utiles :
• Droit des assurances privées, Brulhart Vincent, Précis de droit Stampfli, 2ème édition
www.schulthess.com/buchshop/detail/ISBN-9783727223969/Brulhart-Vincent/Droit-des-assurances-privees
Auditeur 3: Femme travaillant à temps partiel et divorce
Tony (prénom d’emprunt)
• Est marié depuis 21 ans
• Son épouse a 40 ans elle est comptable
• Ils ont une fille de 19 ans qui fait un apprentissage depuis 3 ans
• Son épouse a baissé son temps de travail à 35 % à la naissance de leur enfant et ne l’a jamais augmenté
• En instance de divorce, son épouse demande plus de la moitié de son salaire comme compensation d’entretien
Question :
• A-t-elle le droit de ne pas travailler et de demander une si grande pension ?
La loi :
Majeur
Les époux ont un devoir / Art. 125 al. 1 CC :
« Si l’on ne peut raisonnablement attendre d’un époux qu’il pourvoie lui-même à son entretien convenable (…) son
conjoint lui doit une contribution équitable. » (al. 2)
(…) le juge retient en particulier les éléments tels que (al. 2) :
la répartition des tâches pendant le mariage,
la durée du mariage,
le niveau de vie des époux pendant le mariage,
l’âge et l’état de santé des époux ;
Le revenu et la fortune des époux
L’ampleur et la durée de la prise en charge des enfants qui doit encore être assurée
La formation professionnelle et les perspectives de gain des époux, ainsi que le coût probable de l’insertion
professionnelle du bénéficiaire de l’entretien.
Si les moyens financiers des époux le permettent, ils peuvent prétendre à un niveau de vie qui était le leur pendant le
mariage. Sinon c’est la méthode de calcul du minimum vital ou du minimum vital élargi qui devra être utilisé
Selon la jurisprudence (ATF 5A_248/2011) « Afin de déterminer s’il est possible d’imputer un revenu hypothétique à l’un
des conjoints, l’autorité doit examiner dans quelle mesure on peut raisonnablement exiger du concerné qu’il exerce une
activité lucrative, en tenant compte de son âge, de ses qualifications professionnelles et de son état de santé. »
On ne peut raisonnablement pas demander à un époux qui a renoncé totalement à exercer une activité lucrative durant le
mariage de reprendre le travail après ses 45 ans.
Mineur
Concernant la contribution d’entretien pour Madame
Selon le principe du clean break, les époux doivent viser l’indépendance financière après le divorce. Le devoir de solidarité entre les époux perdure au moment du divorce jusqu’à ce que chaque époux devienne indépendant financièrement.
Madame a 41 ans et travaille déjà à temps partiel. Elle n’est toutefois pas indépendante financièrement à 100%.
Conclusion
On peut donc raisonnablement lui demander de reprendre une activité lucrative à temps complet.
Si cette activité ne lui suffit pas pour vivre ou pour disposer du même niveau de vie que pendant le mariage, elle a le droit à une contribution d’entretien équivalent à la différence entre son salaire effectif et celui qu’elle peut prétendre pour bénéficier du même niveau de vie.
La morale :
L’avocat de Madame essaiera de faire payer le maximum à Monsieur et l’avocat de Monsieur essaiera de faire comprendre au juge et/ou à la partie adverse qu’elle doit se prendre en main et rechercher plus de travail pour s’autofinancer. Ces discussions coûtent très cher au couple lors du divorce et il faut savoir que dans certaines circonstances celui qui gagne le plus risque de devoir payer également la défense de l’autre.
On ne peut pas connaître à l’avance ce que décidera le juge donc même si le conseil promet une victoire en ce sens.
Le mieux reste de proposer une contribution échelonnée dans le temps si cela est possible, où chaque année on baisse la
contribution jusqu’à l’annuler complètement. La prévoir entre 3 et 5 ans.
Les liens utiles :
• Easydivorce.ch « La contribution d’entretien du conjoint » www.easydivorce.ch/contribution-a-lentretien-du-conjoint/
Les sujets de notre prochaine émission, le 17.12.2018
Suite à l’intervention de mon dentiste j’ai de fortes douleurs,
Quels sont mes droits ?
Mon employé, licencié avec effet immédiat pour vol avéré conteste son certificat
de travail,
Comment agir ?
Désaccords avec mon avocat au sujet de ma défense,
Quels sont mes droits ?
Vous souhaitez poser une question sur d’autres thèmes ou qu’on règle VOTRE litige ? Contactez-nous :
midi@radiolac.ch
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