Pas question de sacrifier les accords Schengen/Dublin sur l'autel du tir. Le National a refusé mercredi de faire une croix sur la reprise de la directive européenne sur les armes, malgré les menaces de référendum. Il se penche désormais sur les détails du projet.
Bruxelles va durcir sa réglementation en réponse à la menace terroriste. La nouvelle directive européenne doit rendre plus difficile l'accès aux armes susceptibles de faire beaucoup de victimes, comme certaines armes semi-automatiques.
Schengen
Comme il s'agit d'un développement de l'acquis de Schengen, la Suisse doit suivre d'ici fin mai 2019, sous peine de voir l'accord dénoncé, a rappelé Pierre-Alain Fridez (PS/JU) au nom de la commission. Une telle option n'est pas envisageable, ont souligné de nombreux orateurs.
La Suisse pourrait y perdre 4 à 11 milliards de francs et des milliers d'emplois, a noté Beat Flach (PVL/AG). La participation à l'espace Schengen est très importante pour la sécurité et le contrôle des flux migratoires, mais aussi pour l'économie et le tourisme. Et la coopération au titre de Dublin est capitale pour la politique d'asile.
Berne n'en a pas moins obtenu plusieurs concessions de Bruxelles. Les chasseurs ne sont pas concernés. Pour les armes de service, pas de changement: elles pourront continuer à être conservées à la maison après le service militaire. Aucun test psychologique ne sera exigé. Un registre central des armes ne devra pas être créé.
Bronca
Cela n'a de loin pas calmé les milieux du tir. "Des cris d'orfraie", a dénoncé la Verte genevoise Lisa Mazzone. Alors qu'une réduction du nombre d'armes permettrait, selon elle, de réduire les drames (suicide, violence domestique). Jugeant le projet trop timoré, la gauche va tenter de serrer davantage la vis. Ses chances de succès sont relativement maigres.
L'UDC s'est quant à elle faite le porte-voix de l'opposition à la loi. La directive européenne ne sert à rien et est impraticable. Ce n'est pas l'arme qui tue, mais celui qui l'utilise. Les terroristes diversifient d'ailleurs leur mode opératoire (véhicule bélier, attaques au couteau), a critiqué l'Uranais Beat Arnold.
Les armes utilisées n'ont en outre pas été acquises légalement. Cette directive est le premier pas vers un désarmement de la Suisse, a lancé Werner Salzmann (UDC/BE). Quant au Valaisan Jean-Luc Addor, il ne voit dans la dénonciation de Schengen qu'un épouvantail.
La droite dure entend aussi jouer avec les remous provoqués par la directive européenne en Europe de l'Est. Elle aurait aimé ajourner les débats en attendant que la Cour de justice de l'UE se soit prononcée sur un recours de la République tchèque.
Jusqu'ici, l'UDC a fait chou blanc. Le National est entré en matière par 120 voix contre 67. Il a refusé de renvoyer le dossier au Conseil fédéral et de suspendre le traitement du dossier. Faute de s'être imposée, la droite dure va s'attaquer à chaque disposition de la loi.
Tireurs sportifs
Le concept du Conseil fédéral prévoit d'interdire les armes à feu semi-automatique à épauler équipées d'un chargeur d'au moins 20 coups. Pour les armes de poing, l'interdiction vaudra dès dix cartouches. Une dérogation sera possible afin qu'elles puissent servir au tir sportif.
Les tireurs sportifs devront obtenir une autorisation en justifiant qu'ils sont membres d'une société de tir ou prouver autrement qu'ils utilisent régulièrement leur arme à feu pour pratiquer le tir sportif. Selon le gouvernement, cinq entraînements sur cinq ans devraient suffire. La présentation de ces démonstrations devra être apportée après cinq et dix ans.
La réglementation bannit en outre les armes à feu à épauler semi-automatiques téléscopiques pouvant être raccourcies à moins de 60 cm. Les collectionneurs et les musées pourront acquérir des armes s'ils prennent les mesures nécessaires afin d'en assurer la conservation et dressent la liste des armes requérant une autorisation exceptionnelle.
Les actuels détenteurs auront trois ans pour faire confirmer la possession légitime d'une arme. Cette confirmation n'est requise que lorsque l'arme n'est pas encore enregistrée ou qu'elle n'a pas été reprise directement des stocks de l'armée à la fin des obligations militaires.
La solution du Conseil fédéral prévoit également des mesures qui amélioreront l'identification et la traçabilité, et qui renforceront l'échange d’informations. Les armuriers auront 20 jours, et non plus 30, pour signaler les transactions aux cantons.
Coup de barre
En commission préparatoire, la majorité de droite a réussi à revoir le projet à la baisse sur quelques articles, parfois à des majorités très serrées. Elle ne souhaite ainsi pas restreindre l'acquisition et la possession de chargeurs de grande capacité.
La droite ne veut pas non plus que les armes remises en fin de service soient qualifiées formellement d'interdites. Elle se veut également plus souple concernant l'autorisation exceptionnelle.
(Source ATS / Photo MARTIN RUETSCHI)