L’entreprise valaisanne Inera a communiqué hier sur ses activités, et ça a pris des tournures de plaidoyer : pour l’émergence de communautés d’autoconsommation. Qu’est-ce que ça veut dire au juste ?
Nous sommes dans le domaine de l’énergie, de l’électricité, celle que nous consommons tous les jours sans la produire. Il s’agit pour cette entreprise de développer une clientèle qui a envie de produire, OK, mais surtout de partager sa propre électricité. Des locaux professionnels déjà équipés ou non de panneaux photovoltaïques. Des résidences, des lotissements, des propriétés par étage, ou mêmes des immeubles locatifs. Pour en faire des communautés d’autoconsommation.
Aujourd’hui, l’électricité est surtout fournie par des entreprises de distribution plus ou moins publiques ou privées. Les services industriels de Genève ou de Lausanne au hasard. Industriels parce qu’au début de la révolution industrielle, ce sont les ateliers qu’il fallait approvisionner en gaz et en électricité. Les privés, c’est venu plus tard.
Inera est donc un concurrent déclaré des distributeurs d’électricité.
Euh.. oui et non. C’est peut-être un problème d’ailleurs. En fait, ce sont quatre distributeurs d’électricité qui ont créé Inera dans le Valais il y a quelques mois. Dont les services industriels de Monthey par exemple. Ces distributeurs fournissent à eux quatre 25% de l’énergie consommée dans le canton. Ce sont en général de quasi-monopoles locaux.
Ah je vois : ces entreprises se font concurrence à elles-mêmes. Elles se cannibalisent !
Oui certainement. Et ce n’est pas optimal quand on veut développer un nouveau marché. Mais nous sommes dans le registre de la transition énergétique. Un saint registre. À ce stade embryonnaire, il faut être pragmatique.
Ces entreprises de distribution sont certainement les mieux placées pour faire avancer les choses à ce stade. Elles peuvent prendre en charge dans Inera toutes les démarches auprès des communes. Et ça les connaît. Elles ont les moyens de prendre des risques. Après on verra. Tout reste ouvert sur le plan des modèles économiques. Et le chemin de la transition est encore long.
C’est vrai que quand on parle de transition énergétique, on ne pense pas toujours à la difficulté d’être consommateur-producteur.
Non, et l’on a pas vraiment en tête la grande ambition collective qu’il y a derrière : la décentralisation énergétique. Le consommateur est voué à devenir producteur d’énergie solaire, géo-thermique, voire éolienne. Les propriétaires mais pas seulement. Même les locataires pourraient devoir capter un jour de l’énergie solaire. Oui oui, sur leurs fenêtres ou leurs balcons. Idéalement, les distributeurs d’électricité deviendraient des fournisseurs d’appoint.
Des fournisseurs de solutions et d’équipements aussi.
Exactement. En fait, le plaidoyer de l’Inera en faveur des communautés d’autoconsommation, c’est un pas assez audacieux des distributeurs dans leur réorientation économique. Le développement de cette affaire sera certainement suivi de près ces prochaines années en Suisse romande.
https://www.radiolac.ch/podcasts/economie-avec-francois-schaller-06022019-071339/