C’est l’information de la journée à Genève : Pierre Maudet a effectué en novembre 2015 un voyage aux Emirats Arabes Unis dont les contours restent flous…
Le conseiller d’Etat a assisté au Grand Prix de Formule 1 d’Abu Dhabi en compagnie de sa famille, de son bras droit et d’un entrepreneur genevois. Le magistrat chargé de la sécurité et de l’économie indique à la Tribune de Genève qu’il s’agit d’un déplacement privé. Or, Pierre Maudet y a effectué des actes officiels : il a rencontré le prince héritier d’Abu Dhabi ainsi que le vice-président de l’Exécutif de l’Emirat. Raphaël Leroy, le rédacteur en chef de Radio Lac a enquêté durant plusieurs mois sur cette affaire. Ce qui frappe, ce sont les nombreuses contradictions du magistrat.
Pierre Maudet est parti du jeudi 26 au lundi 30 novembre 2015 à Abu Dhabi. Il a voyagé avec sa femme et ses trois jeunes enfants. Il est passé par le service du protocole de l’aéroport de Genève avant que son chef de cabinet Patrick Baud-Lavigne et un professionnel de la construction l’utilisent à leur tour et les rejoignent dans l’avion. Tous ont volé ensemble en business class sur la compagnie Etihad Airways. Et il ne s’agit pas d’un upgrade comme le conseiller d’Etat l’évoque ce vendredi dans la Tribune de Genève.
Le 26 mai 2016, il y a tout juste deux ans maintenant, Pierre Maudet a eu un échange écrit avec le rédacteur en chef de Radio Lac, toujours en sa possession. L’intéressé confirmait avoir voyagé en business class, sans jamais faire état d’un quelconque upgrade. Il mentionnait d’ailleurs à l’époque avoir « déboursé 4000.- ce qui correspond très exactement au coût d'un vol aller-retour en business class pour 2 adultes et 3 enfants de moins de douze ans sur la compagnie Etihad, selon les sites de booking actuels ». Le conseiller d’Etat a manifestement et soudainement changé de version aujourd’hui.
En réalité, les 4000 francs avancés par Pierre Maudet correspondent au prix du voyage en business class pour une seule personne. Pour 5 voyageurs, le prix monte à plus de 30'000 francs aux dates du Grand Prix de Formule 1. Soit plus d’un salaire mensuel net d’un conseiller d’Etat genevois.
Pierre Maudet n’a jamais pu nous donner les preuves de paiement de ce séjour. Ni celle de ses billets d’avion. Ni la facture de la chambre qu’il a occupée au luxueux Emirates Palace avec sa famille. Cette chambre justement. En mai 2016, le magistrat avançait avoir résidé dans une chambre double Coral avec vue sur le jardin d’une valeur de plus de 4000 francs pour 4 nuits. Or, la Tribune de Genève parle aujourd’hui d’une suite. Ce qui est confirmé par différentes sources à l’Emirates Palace. Cette suite, appelée Khaleej, coûte au moins deux fois plus chère que la chambre Coral.
En mai 2016 toujours, Pierre Maudet nous dit d’abord avoir été « invité par des amis genevois amateurs de Formule 1 » tout en indiquant avoir « pris en charge une partie, soit l'équivalent du déplacement ». Avant de rectifier le lendemain : « je suis parti avec des amis genevois amateurs de Formule 1, dit-il, prenant en charge le montant du voyage. » Aujourd’hui, nous avons droit à une troisième version.
Il y a trois scénarios sur le financement du voyage. Le premier est celui défendu par Pierre Maudet : ce serait lui qui a payé. Dans ce cas, pourquoi refuse-t-il d’en faire la preuve ? Pourquoi articule-t-il un montant farfelu tant pour les billets d’avion que pour la chambre d’hôtel ? Des questions qui accréditent d’autres thèses. La seconde justement serait celle qu’il a articulé lors de notre premier échange : des amis fans de Formule 1 lui ont payé le voyage. Mais qui ? L’entrepreneur avec qui il a voyagé ? Pourquoi pas, mais il ne le revendique plus aujourd’hui. Et s’agissant d’un ministre de l’économie en exercice, cela serait problématique. Enfin, le dernier scénario est celui d’une invitation de l’Emirat. Pierre Maudet aurait été invité par les Emirats Arabes Unis à assister au GP de Formule 1 avec sa famille, comme ils le font régulièrement avec d’autres autorités étrangères. Ce qui expliquerait le mélange des genres actuel entre un voyage privé et une visite officielle.