Faut-il prendre des mesures pour réduire le tourisme d’achat en Suisse ? C’est-à-dire la concurrence des grandes surfaces qui ont proliféré de l’autre côté de la frontière ? Le Conseil des Etats à Berne a décidé hier de ne pas bouger pour l’instant.
Oui, la Chambre des cantons veut attendre un rapport du gouvernement sur plusieurs questions relatives au niveau du franc et des prix en Suisse.
Et puis il y a une initiative populaire en attente.
Un peu bizarre à vrai dire : elle veut imposer aux entreprises étrangères qui exportent en Suisse d’y pratiquer les mêmes tarifs qu’ailleurs. On ne voit pas très bien comment sur le plan juridique. Mais il devrait y avoir un contre-projet.
En fait, c’est toute la problématique de « l’îlot de cherté ».
Oui, tout semble avoir été fait depuis trois décennies pour réduire le différentiel de prix entre la Suisse et ses voisins. Ouvrir davantage les frontières, autoriser les importations parallèles, multiplier les dispositions anticartellaires, adopter le principe européen du cassis de Dijon, sans même de réciprocité, etc. Rien n’y fait. Les prix sont toujours plus élevés de 20% à 40%.
Et les Suisses continuent de passer la frontière pour aller faire leurs courses en France.
Surtout lorsque le l’euro se déprécie de 30% par rapport au franc sur dix ans. Oui, depuis 2008. Mais le phénomène est plus ancien. Et la France n’est rien par rapport à l’Allemagne. Sur la frontière qui va de Bâle à l’Autriche, les achats transfrontaliers sont beaucoup plus intenses qu’à Genève. Pour des questions géographiques et de mentalités. Les prix de l’alimentaire de base sont encore plus bas en Allemagne qu’en France.
On a une idée de ce que ça représente dans la consommation ?
Plus de 10% du commerce de détail actuellement. 10% de chiffre d’affaires que les commerçants suisses ne réalisent pas. Et même cette énorme concurrence-là ne réduit pas les prix en Suisse.
Ça ne concerne pas seulement l’alimentaire d’ailleurs.
Non, de loin pas. Ça ne concerne pas non plus que les achats de relative proximité. Les Suisses font de plus en plus de kilomètres en voiture pour s’approvisionner.
Mais ils font surtout de plus en plus de courtes vacances et de week-ends prolongés à partir des aéroports et des trains à grande vitesse. Shopping inclus. Et puis les Suisses font des achats à l’étranger sur le web.
Alors commment faire pour réduire ce qui fait tout de même baisser l’emploi dans le commerce de détail ?
C’est bien cela le problème. Et on ne voit pas très bien quoi faire à vrai dire. Supprimer le seuil des 300 francs par personne pour se mettre à prélever la TVA à la frontière ? Avec des contrôles beaucoup plus systématiques ? Il n’y a guère que cette solution qui semble réaliste.
Mais la TVA est très basse en Suisse.
Justement. L’effet serait probablement insignifiant. Ce serait surtout l’emploi aux postes de douane qui en bénéficierait. Dans le fond, il n’y a peut-être pas de solution, mais il est quand même important politiquement de s’en assurer de temps en temps.