Barbara Frey reçoit l'Anneau Hans Reinhart, le prix de théâtre le plus important de Suisse, vendredi des mains d'Alain Berset à Genève. Cette metteure en scène bâloise compte parmi les grands noms du théâtre de langue allemande, au-delà des frontières suisses.
Brune, les cheveux courts et ondulés, Barbara Frey porte un rouge à lèvres vif comme souvent les femmes alémaniques. Markus Joss, membre du jury de l'Office fédéral de la culture, dit d'elle qu'elle est une artiste exceptionnelle et une directrice de théâtre pleine de discernement.
Barbara Frey, 59 ans, est un modèle à plus d’un titre, poursuit-il. D’un côté, il y a la metteure en scène, l’artiste qui, avec une rigueur intellectuelle, tend l’oreille aux grandes thématiques de la littérature et transpose en vastes tableaux les faces sombres de l’existence.
Attention portée à chacun
De l’autre côté, la directrice. Dans ce registre, la Bâloise mise sur le travail de groupe. Laisser les gens s’épanouir demande du temps, et surtout une attention portée à chacune et chacun. Celle ou celui qui prétend diriger doit aimer agencer.
Pour y parvenir, il n’est pas nécessaire d’y aller au pied de biche: Barbara Frey a fait ses preuves avec cette méthode pendant dix ans passés à la tête du Schauspielhaus de Zurich (2009-2019), première femme à occuper ce poste. Elle a ensuite rejoint, il y a deux ans, la Ruhrtriennale, un festival de théâtre allemand, basé à Bochum dans la Ruhr, pas très loin de la frontière néerlandaise.
Ce n'est pas la première fois qu'elle travaille sur des scènes allemandes. Pendant la période entre le Théâtre de Bâle, où elle a débuté sa carrière, et le Schauspielhaus, on verra ses mises en scène dans les grands théâtres de Mannheim, Hambourg, Munich, Dresden, Berlin sans oublier l'Autriche avec Salzbourg et Vienne.
Pépinière de talents
Près de 30 ans avant le Schauspielhaus, la jeune femme est entrée au théâtre comme musicienne, en 1988, au Theater Basler, une grande pépinière de talents placée sous la direction de Frank Baumbauer. Au côté de Barbara Frey, un autre musicien de théâtre a percé, le metteur en scène Christoph Marthaler.
En plus de partager un goût pour la musique, Barbara Frey et Christoph Marthaler portent un même regard humoristique et poétique sur les banalités et les monstruosités du quotidien. Mais il y a une différence: Barbara Frey n'invente pas ses propres mondes sur scène, elle les conçoit à partir de textes littéraires, a écrit Thomas Jonigk, dans une rétrospective consacrée à cette femme de théâtre: "elle fait confiance aux textes dont elle s'empare".
Elle a décrit elle-même son credo dans une interview dans la revue spécialisée "Theater der Zeit": "Le théâtre est un art ancien, et malgré les innovations utiles et nécessaires, nous devons aussi construire en misant sur la constance".
Cela ne veut pas dire que Barbara Frey a refusé les transgressions. Dans sa mise en scène de la satire de Witold Gombrowicz "Yvonne, die Burgunderprinzessin", elle a fait jouer les rôles principaux féminins par des hommes.
Comme directrice de théâtre, elle s'est également montrée très ouverte à des productions et des mises en scène différentes. Au Theater Basel, en plus de Christoph Marthaler, elle a travaillé avec Frank Castorf et Herbert Fritsch. Elle les a ensuite accueillis au Schauspielhaus, avec de vraies antithèses esthétiques à ses propres mises en scène.
Première réalisation d’après un texte de Sylvia Plath
Sa première réalisation remonte à 1993: "Ich kann es besonders schön", d’après un texte de Sylvia Plath, présentée au Theater Basel. Dix ans plus tard dans le même théâtre, elle collaborait pour la première fois avec l'auteur alémanique Lukas Bärfuss sur "Les névroses sexuelles de nos parents". Lui aussi la rejoindra au Schauspielhaus.
Barbara Frey a réussi à s'imposer dans le difficile milieu théâtral zurichois en restant 10 ans à la tête du Schauspielhaus, une durée peu commune. Avec elle, la "grande maison" n'a connu aucune crise, comme celles qui l'ont secouée avant et après elle.
"L'époque de Barbara Frey entrera dans l'histoire du théâtre zurichois comme la décennie de la paix", écrivait la Neue Zürcher Zeitung en été 2019 au moment de son départ.
Cet article a été publié automatiquement. Source : ats