C’est un tweet tout récent du commissaire européen aux affaires économiques Pierre Moscovici :
« L’épisode de la « chaussure made in Italy » est grotesque. Au début on sourit et on banalise parce que c’est ridicule, puis on s’habitue à une sourde violence symbolique, et un jour on se réveille avec le fascisme. Restons vigilants ! La démocratie est un trésor fragile. »
Mais de quoi nous parle Pierre Moscovici ? Petit rappel des faits.
Les Italiens ont porté au pouvoir le printemps dernier une coalition populiste de droite et de gauche résolument antisystème : le Movimento 5 Stelle fondé par l’humoriste Beppe Grillo et la Lega Nord conduite par Matteo Salvini.
C’est exactement le genre de coalition qui fait frémir les eurocrates et les bien-pensants.
Pour vous en donner une vague idée, c’est un peu comme si Mme Le Pen s’alliait à M. Mélenchon, sauf qu’une telle coalition en France est totalement impossible car les dirigeants français, surtout à gauche, sont trop pétris d’idéologie, M. Mélenchon étant un trotskiste pur et dur, et Mme Le Pen ne pensant qu’à sa dédiabolisation…
Les Italiens, eux, sont beaucoup plus décomplexés et pragmatiques, ils arrivent à s’entendre sur les questions économiques et sociales fondamentales, ce d’autant que le sentiment patriotique en Italie transcende largement les clivages partisans.
Le programme de la Lega et du Movimento 5 Stelle était clair : réduction des prélèvements fiscaux de plusieurs milliards d’euros, augmentation des dépenses publiques en faveur des plus défavorisés et abandon d’une énième réforme des retraites.
En d’autres termes : non aux diktats de Bruxelles et à ses politiques d’austérité forcenée.
Un tel programme a évidemment fait mouche en Italie car 20 ans d’austérité n’y ont provoqué que récession, chômage et pauvreté.
Le pari du gouvernement italien est celui de la relance économique quitte à donner un sérieux coup de pied dans la fourmilière européenne.
Son budget table ainsi sur une croissance de 1,5 % (ce n’est quand même pas une relance déraisonnable quand on s’en donne les moyens) et vise un déficit de 2,4 %.
Mais les technocrates bruxellois ne l’entendent pas de cette oreille et, première historique, la Commission européenne vient de refuser le budget italien !
Oui, vous avez bien entendu, une poignée de commissaires européens non élus – je rappelle que les membres de la Commission européenne sont désignés par les gouvernements des États membres – décide que le budget italien ne respecte pas les « engagements européens » : « Nous ne sommes pas face à un cas "borderline" mais face à une déviation claire, nette, et assumée », nous explique Pierre Moscovici, commissaire européen pour quelques temps encore.
Le gouvernement italien, qui ne s’est pas privé de rappeler que le budget présenté par la France prévoyait quant à lui un déficit de 2,8 % sans susciter l’ire des eurocrates, ne s’en laisse pas conter pour autant :
« Nous écoutons tout le monde, mais nous ne revenons pas en arrière », a prévenu Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur italien.
Et l’épisode cocasse qui a provoqué le tweet vipérin de Moscovici est intervenu dans la foulée : après la conférence de presse annonçant le refus du budget italien, l’eurodéputé Angelo Ciocca est venu frotter sa semelle sur les notes de Moscovici !
« A Strasbourg, j’ai piétiné (avec une semelle faite en Italie !) la montagne de mensonges que Moscovici a écrite contre notre pays ! L’Italie mérite le respect et ces EuroImbecilli doivent le comprendre : ne baissons plus la tête !», a écrit Ciocca sur son compte Twitter.
Certes, une telle démonstration n’est pas des plus urbaines, mais de là à crier au péril fasciste, il y a quand même un pas que notre technocrate aurait pu s’abstenir de franchir.
Après la reductio ad Hitlerum, Moscovici a inventé la reductio ad Mussolinem !