On parle beaucoup de protectionnisme dans le monde par les temps qui courent. Et ça inquiète en Suisse. Quand le ministre suisse de l’économie se retire, il lance un ultime et vibrant appel au libre échange. Le même jour, l’organisation faîtière du commerce présentait les résultats d’un sondage sur les Suisses et le libre-échange.
Oui, ça a été présenté à Zurich. Une coïncidence. Passée un peu inaperçue d’ailleurs. Johann Schneider Ammann a quand même dû apprécier. Parce que ce sondage va complètement dans le sens de qu’il a défendu de manière un peu obsessionnelle pendant huit ans.
Les Suisses peuvent bien soutenir de temps en temps des initiatives populaires souverainistes. Sur le plan économique en revanche, ils sont archi-convaincus de l’importance et des bienfaits du libre-échange de marchandises et de services. A 94%. Un score quasi-soviétique.
Est-ce si étonnant ? Que ferait la Suisse sans commerce international ?
C’est vrai. La Suisse est un petit marché intérieur qui aurait bien de la peine à s’auto-suffire. C’est un peu moins vrai de la France, par exemple. Et encore moins de l’Union Européenne. Le grand marché s’est d’ailleurs construit en bonne partie sur l’idée que l’Europe devait moins dépendre du reste du monde. Comme les Etats-Unis d’ailleurs. Leurs échanges extérieurs ne représentent guère que 10% de leur prospérité. Contre plus de 50% en Suisse!
Mais 94% d’avis favorables au libre-échange ? Vous conviendrez quand même que c’est un peu en décalage. Je veux dire : par rapport à toutes les critiques qu’on entend à longueur d’année sur la mondialisation.
Ok… on est un peu dans la philosophie. Dans la réalité, tout le monde est d’accord sur le libre échange. Parce qu’il y a libre-échange et libre-échange. Et les accords commerciaux sont toujours très partiels. Ils ne portent que sur certains produits. Les accords très remarqués signés ces dernières années entre la Suisse et la Chine ? Ils ne couvrent en réalité qu’un petit pourcentage du commerce sino-suisse. Bien moins de 10%.
Le plus étonnant dans le fond, c’est que les Suisses ont des idées assez précises sur les pays avec lesquels ils devraient signer d’autres accords.
Les Suisses on l’air de suivre l’actualité. Mais en mélangent tout de même un peu sympathie et intérêts économiques. L’Etat le plus plébiscité pour signer de nouveaux accords ? C’est sans surprise l’Allemagne. D’accord. Mais aussi l’Australie et le Japon. A plus ou moins 90% ! Viennent ensuite la France, la Grande-Bretagne, l’Union Européenne en tant que telle. Mais à 80% seulement.
Et figurez-vous que la Chine et les Etats-Unis arrivent très, très loin derrière. A quelque 55%. Même la Russie, l’Afrique, l’Amérique latine font sensiblement mieux ! Devinez qui arrive en queue, tout à la fin, avec moins de 40% d’opinions favorables ? Eh bien c’est la Turquie. Oui, la Turquie. Alors voilà, je crois que je vais passer une partie de la journée à me creuser. A me demander pourquoi les Suisses ont si peu envie de faire du commerce avec la Turquie.