Les Suisses semblent avoir joué le jeu du semi-confinement pendant ce long week-end de Pâques. Comme la courbe des contaminations se tasse un peu, tout le monde attend maintenant des scénarios de sortie progressive de crise.
Depuis le début week-end de Pâques, le nombre de contaminations est descendu à quelque 400 entre samedi à dimanche après avoir oscillé de 700 et 800 les jours précédents. On semble s'éloigner des 1000 cas quotidiens enregistrés fin mars.
Le nombre des hospitalisations recule aussi. Les hôpitaux tiennent le choc, ce qui fait dire à Didier Pittet, médecin-chef aux HUG à Genève, sur les ondes RTS lundi: "Nous ne connaîtrons pas un scénario à l'italienne".
Maintenir l'effort
Les Suisses ne devraient pas pour autant relâcher leurs efforts et rester à la maison, ont plaidé sans relâche les conseillers fédéraux Simonetta Sommaruga et Alain Berset pendant le week-end.
Pour éviter les rassemblements, plusieurs lieux ont été fermés comme le Creux-du-Van dans le canton de Neuchâtel. La police a remis quelques amendes, mais la population a suivi les consignes dans les grandes lignes.
Les motards ont eu plus de la peine à laisser leur engin au garage. Et certains conducteurs ont profité des routes désertes pour rouler pied au plancher. Plusieurs d'entre eux ont été pincés sur les routes romandes.
Résister
Résister oui, mais de nombreux Suisses appellent à un plan de sortie progressive de la crise. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) et l'OFSP sont en train d'en élaborer des scénarios: ils devraient être transmis au Conseil fédéral en vue de sa séance de jeudi prochain.
Alain Bersert par exemple "n'exclut pas la possibilité qu'en assouplissant les règles, nous puissions recommander un masque dans certaines situations". Et d'informer que le Conseil fédéral travaille à Pâques et dans les prochains jours sur un éventuel plan de détente, qui comprendrait des mesures de protection.
Tests d'immunité
Le contrôle de l'immunité des personnes constituera aussi une démarche importante à l'avenir. Actuellement, près de 26'000 personnes ont été testées positives. Le nombre de résidents atteints du virus serait toutefois nettement plus élevé: une étude internationale l'estime entre 200'000 et 250'000.
Mais tant qu'il n'y aura pas de vaccin, la maladie ne disparaîtra pas, insiste M. Berset. Selon les connaissances actuelles, elle continuera à se propager jusqu'à ce qu'environ deux tiers de la population soit immunisée. "Nous pouvons toutefois freiner la propagation du virus" et empêcher de nouvelles chaînes de contagion, ajoute le conseiller fédéral.
L'armée adapte son engagement
Le ralentissement des contaminations observé ces derniers jours a aussi un impact sur l'armée, qui va revoir son dispositif à la baisse. Des soldats pourront partir en congé dès mardi: une partie d'entre eux ne sont pas rentrés à la maison depuis un mois, selon Raynald Droz, chef d'état-major du commandement des opérations au Département fédéral de la défense.
Près de 5000 hommes, dont certains en réserve, sont engagés dans 50 hôpitaux à travers toute la Suisse. "Nous cherchons maintenant le point d'équilibre. La situation a l'air d'être sous contrôle, mais il ne faut pas se réjouir trop vite."
Economie aux soins intensifs
Les Helvètes encaissent les coups du virus dans leur santé et leur mode de vie, et dans la foulée l'économie paie un lourd tribut. Du côté du Seco, les craintes pour l'économie helvétique sont déjà dépassées. Le recul de 1,5% du Produit intérieur brut évoqué au début de la crise du coronavirus a déjà été atteint, a déclaré samedi Erich Scheidegger devant la presse.
Lorsqu'il avait établi ses premières prévisions, le 19 mars, le Seco s'attendait à un recul de la production de 10%. Or, celle-ci a chuté de 25%, a souligné le directeur de la politique économique du Seco. Le recul va même jusqu'à 80% dans certaines branches particulièrement sinistrées, comme la gastronomie.
Le Seco prévoit désormais deux scénarios de récession. Le premier, en "V", prévoit une chute brutale du PIB au premier semestre et une remontée rapide au second semestre de l'année. Dans un tel cas de figure, le PIB reculerait de 7%, ce qui n'avait plus été observé depuis la crise pétrolière en 1974, a expliqué M. Scheidegger.
Le second scénario, en "L", ne prévoit qu'une remontée très lente du PIB au second semestre et l'année prochaine. Dans ce cas, le PIB chuterait de 10%. Dans le premier cas, le chômage augmenterait de 4%, dans le second la hausse pourrait aller jusqu'à 7%, a noté M. Scheidegger.
Le responsable a précisé qu'il ne s'agissait pas de "prévisions", mais bien de "scénarios". De nouvelles estimations de croissance seront effectuées dans la seconde moitié d'avril.