"Un moment historique" pour les usagers comme pour les officiels. Quelques secondes avant l'horaire prévu, le premier train du Léman Express a quitté Coppet (VD) dimanche à 05h03. Mais en raison de la grève en France, celui-là n'arrivera pas jusqu’à Annemasse.
Dans les rames, les vrais usagers ne sont qu'une poignée au milieu des dizaines de responsables ferroviaires, de politiques et de journalistes. "C'est un moment historique", dit à Keystone-ATS l’un d'entre eux, venu expressément avec son fils de deux ans, plus jeune passager du train. "Il est motivé", assure-t-il.
Une famille avec deux enfants en bas âge n'est pas très loin. En écho aux manifestations pour le climat, les autres clients sont souvent jeunes. "On l'attendait depuis longtemps. Je voulais le voir", glisse David qui relève l'importance du plus grand réseau régional ferroviaire transfrontalier d'Europe pour toute la région.
Un avis partagé par quelques jeunes socialistes qui ont prolongé leur retour de fête pour utiliser la nouvelle infrastructure. "C'est une première étape vers le transfert modal", avance l'un d'eux.
De leur côté, les responsables ferroviaires tanguent entre enthousiasme et soulagement après l'opérationnalisation d'un réseau attendu depuis plus de cent ans. Depuis son arrivée en janvier, le patron de Lémanis, société qui exploite le réseau, entame chaque jour "en se demandant quel sera le problème".
Rame taguée
"Aujourd'hui, c'est la grève", admet Mario Werren en reconnaissant qu'il aurait souhaité que tous les trains puissent atteindre Annemasse. Dimanche, seul un quart d'entre eux rejoindront la ville française.
Malgré tout, la journée est "historique", insiste le patron des CFF Andreas Meyer. "C'est la mise en service la plus complexe que j’aie eu à faire", dit-il, tout en se félicitant d'avoir pu mener le projet de bout en bout, assez rare pour un directeur sur un dispositif de cette taille. Régulations, composantes techniques ou chantiers, il a fallu de nombreux interlocuteurs suisses et français et huit ans de travaux sur le segment du CEVA (Cornavin/Eaux-Vives/Annemasse) pour le Léman Express.
Pour ces dirigeants, les réglages auront été calés jusqu'à la dernière minute. L'une des rames est taguée, oeuvre qui a provoqué une polémique entre politiques genevois sur les réseaux sociaux.
Dizaines de milliers d'utilisateurs
Avec six trajets par heure et par sens en semaine, le Léman Express va s'accompagner aussi de défis pour la sécurité avec des dizaines de milliers d'usagers, relève le chef adjoint de la police ferroviaire qui a fait le déplacement.
Avant le départ, le chef des mécaniciens a donné les dernières consignes. "Tu entreras dans Genève à vitesse réduite", glisse-t-il à distance au conducteur. Parce qu'à Cornavin, des centaines de personnes attendent sur le quai, dont le conseiller d'Etat Serge Dal Busco. Beaucoup sont arrivées depuis Annemasse avec le train parti une minute après celui de Coppet, mais le premier à avoir "gommé l'effet frontière" entre les deux pays.
Les passagers sont accueillis par les grenadiers de la Compagnie de 1602. "Je n'ai pas demandé d'autorisation. Vous ne m'enverrez pas d'amende", lance M. Werren au conseiller administratif Rémy Pagani. Qui acquiesce avec un sourire. Il ne s'en formalise pas et, en homme de gauche habitué des manifestations, soutient aussi les revendications des cheminots français qui perturbent cette première journée.
Arrêt à une gare suisse
Il insiste plutôt sur les améliorations pour Genève et veut déjà voir plus loin, l'extension du réseau. En attendant, une fois le train arrivé à Cornavin, les officiels descendent. Certains, qui ont travaillé depuis plus de dix ans pour le Léman Express, se donnent l'accolade. M. Meyer, qui quitte ses fonctions dans quelques mois, est attendu au Tessin pour une inauguration liée à l'ouverture du tunnel de base du Ceneri dans un an.
Seules quelques personnes poursuivent le trajet dans ce premier train qui est attendu jusqu’à Annemasse. Mais à la dernière gare suisse, l'annonce tombe. Le premier train du Léman Express ne franchira pas la frontière.
Le conducteur fait part "de sa fierté", même s'il aurait préféré pouvoir emmener les passagers jusqu'à la ville française. La grève n'aura pas entamé l'enthousiasme des Genevois. "Beaucoup d'émotion", dit de son côté M. Dal Busco plus tard à Genève avant de rejoindre un train.
Source: ATS