A dix jours de la votation fédérale sur les deux initiatives dites « agricoles », le sondage paru hier s’avère clairement défavorable. C’est un retournement plutôt spectaculaire. Ça donne l’impression que les arguments économiques pourraient avoir raison des idéaux.
Au début de l’été, l’initiative populaire écologique « pour des aliments équitables » recueillait près de 80% d’avis plutôt favorables. L’initiative des paysans de l’association Uniterre pour la souveraineté alimentaire faisait presque aussi bien. Là, on peut parler de dégringolade. Autour de 40% seulement d’approbation.
C’est assez classique en fait: le camp du oui s’est réduit de moitié après l’entrée en scène des opposants. Sur le terrain des prix en l’occurrence. Des aliments importés aux normes suisses de qualité, ça coûte forcément plus cher côté consommateurs. Que ces aliments soient davantage produits en Suisse, au nom de la souveraineté écologique ? Ce serait également plus cher. En fait, ça reviendrait à imposer des produits plus ou moins bios à tout le monde.
Le bio est pourtant l’avenir de l’alimentaire! Pourquoi ne pas favoriser sa progression ? Les prix devraient ensuite s’adapter au pouvoir d’achat, non ? La grande distribution représente presque 80% du prix de ce que nous achetons.
Peut-être Philippe, mais c’est très incertain à ce stade. Les opposants font valoir que ça demanderait beaucoup d’interventionnisme de la part de l’Etat. Et les Suisses n’aiment pas cela. Surtout les Alémaniques. Les Romands, eux sont encore assez favorables aux deux initiatives. Ils pourraient le rester d’ailleurs.
Mais il y a déjà beaucoup d’interventionnisme en matière agricole. Un peu plus un peu moins…
Oui, mais ça peut aussi vite faire beaucoup. Le think tank libéral Avenir Suisse a fait sensation récemment en calculant que tous les soutiens directs et indirects à l’agriculture représentaient 20 milliards de francs par an. 2500 francs par personne. Ça s’ajoute aux prix finaux de l’alimentaire. Ils sont déjà jusqu’à 40% plus chers en comparaison européenne. Tout cela risque quand même de donner des écarts impressionnants. Ça peut rendre méfiant, vous savez.
On parle aussi beaucoup de protectionnisme dans cette affaire… N’est-ce pas un peu exagéré ?
Dans ce genre de débat, Philippe, vous savez bien que tout est exagéré ! Mais il faut quand même se rendre compte que l’agriculture suisse est de loin la plus protégée des Etats développés. Avec la Norvège et le Japon. Restreindre encore les importations ? Ou les sélectionner ? Oui, à l’étranger, ça passerait forcément pour du protectionnisme. A une époque où le sujet est devenu pour le moins sensible. Avec des risques de rétorsion sur l’industrie d’exportation. Les Suisses fondent devant ce genre d’argument. A leurs yeux, c’est l’industrie d’exportation qui fait la prospérité du pays. C’est précisément elle qui permet de financer une agriculture de qualité. Et de défendre indirectement le pouvoir d’achat des consommateurs.