Ouverture à Genève ce matin du procès en appel de Pierre Maudet devant la Chambre pénale d’appel et de révision. Condamnés avec sursis en première instance, l’ancien Conseiller d’Etat et ses trois acolytes, plaident tous l’acquittement.
Pierre Maudet est arrivé en trombe ce matin au Palais de justice. L’homme pressé cherchait à échapper à la dizaine de journalistes présents. Un confrère de la RTS tente une question sur son état d’esprit, sans succès. Il est déjà à l’intérieur du Palais à franchir le dispositif de sécurité. Sur le banc des accusés, Pierre Maudet a le plus souvent la tête en bas. Il jette parfois un regard à son chef de cabinet, Patrick Baud Lavigne, lorsqu’il répond aux questions de la Présidente du tribunal, Alessandra Cambi Favre-Bulle.
Le chef de cabinet est interrogé sur tous les volets de l’affaire, la naturalisation facilitée d’une connaissance d’Antoine Daher, l’ami libanais également sur le banc des accusés, l’autorisation d’exploiter du pub l’Escobar et évidemment le voyage à Abu Dhabi. La Présidente relève que le rôle d’un chef de cabinet est d’éviter à son supérieur de tomber dans un piège. Le Procureur, lui, l’interroge sur la notion d’égalité de traitement. Faire avancer le dossier d’une naturalisation ou encore accélérer la procédure d’autorisation d’exploiter d’un bar, est-ce conforme à ce principe? Patrick Baud-Lavigne répond laborieusement aux questions. Puis lorsque son avocat l’interroge, il dit son profond sentiment d’injustice, les larmes dans la voix.
L’audience s'est poursuivie cet après midi avec l’interrogatoire des deux prévenus d’origine libanaise Antoine Daher et son patron Magid Khoury. Pierre Maudet a ensuite été longuement interrogé par la Présidente de la Chambre pénale d’appel et de révision.
Pierre Maudet se tient bien droit dans ses bottes. Lors de ce jugement en appel, il n’est plus en campagne électorale, il n’est plus candidat au Conseil d’Etat comme en première instance. Les questions de la Présidente tournent autour du voyage à Abu Dhabi en 2015. Quand exactement la liste des invités a-t-elle été établie ? Selon Pierre Maudet, l’idée de faire ce voyage en famille a été suggérée par le Ministre de la sécurité des Emirats arabes unis, alors que le Conseiller d’Etat était à Dubai, avec une délégation d’hommes d’affaires genevois.
Le Grand prix de formule UN à Abu Dhabi est un événement propice aux rencontres de personnalités nationales et internationales, selon l’ex-Conseiller d’Etat. Et l’idée était de resserrer les liens économiques entre Genève et les Emirats, distendus à cause des problèmes de sécurité à Genève entre 2010 et 2012. Pierre Maudet affirme s’être senti reconnaissant vis-à-vis de ceux qui avaient organisé ce voyage, mais pas redevable. Il estime être responsable de ce qui s’est passé mais n’a pas l’impression d’avoir "franchi la ligne rouge pénale". Et de conclure : "tout cela a causé beaucoup de mal et beaucoup de dégâts. Je regrette mon comportement sur plusieurs aspects".
Le procès se poursuit demain mardi et mercredi avec le réquisitoire du Procureur et les plaidoiries des avocats.
Rappel des faits (avec ATS)
En première instance, Pierre Maudet a été condamné à 300 jours-amendes avec sursis pour acceptation d’un avantage pour son voyage à Abu Dhabi. Le Tribunal de police avait estimé que Pierre Maudet s'était accommodé du risque de se faire influencer dans l'exercice de ses fonctions en acceptant le séjour à Abu Dhabi estimé à 50'000 francs. Il avait en revanche été acquitté de la charge d'acceptation d'un avantage en lien avec un sondage électoral financé par deux amis entrepreneurs. Ces deux hommes, soit Magid Khoury et Antoine Daher, ainsi que l'ex-chef de cabinet de Pierre Maudet Patrick Baud-Lavigne se retrouvent aussi sur le banc des accusés.
Les entrepreneurs avaient été reconnus coupables d'octroi d'un avantage. Ils avaient organisé le séjour dans le but, selon le jugement de première instance, de s'assurer de la bienveillance du conseiller d'Etat. Ils avaient été condamnés à respectivement 240 et 180 jours-amendes avec sursis.
L'ex-chef de cabinet de Pierre Maudet, qui avait participé au voyage dans le Golfe, avait été reconnu coupable d'acceptation d'un avantage et de violation du secret de fonction pour avoir fourni des informations aux deux entrepreneurs. Il avait été condamné à 360 jours-amendes avec sursis. Tous ont fait recours.
Le Ministère public a quant à lui fait appel de l'acquittement prononcé en lien avec le financement du sondage électoral. Il demande des peines plus lourdes. Le procès devrait durer jusqu'à mercredi. Le verdict n'est pas attendu avant plusieurs semaines.