Le Conseil National a approuvé hier une motion demandant au gouvernement que le trust soit introduit dans le Code des obligations. L’ironie de cet épisode, c’est qu’il tombe dix ans exactement après la fin du secret bancaire.
Oui, parce que le trust est un statut très utilisé dans la gestion des capitaux privés, et qu’il n’a pas très bonne réputation sur le plan de la transparence fiscale. C’est surtout une grande spécialité britannique et américaine, et les Etats-Unis passent aujourd’hui pour l’un des paradis fiscaux les plus sûrs de la planète. Alors oui, si le droit suisse adoptait le trust, ce serait un signe que la crise du secret bancaire est bien derrière.
Le trust à la suisse serait compatible avec l’échange automatique de renseignements fiscaux ?
Oui, certainement. Parce que la Suisse ne va pas prendre de risques de ce côté-là. La place financière pratique l’échange automatique depuis l’année dernière. Les banques ont aujourd’hui besoin de stabilité et de visibilité. Même si les dégâts économiques de la crise du secret bancaire auront été moins profonds que prévu.
Le secteur bancaire a quand même sérieusement rétréci en dix ans.
Oui, mais rien à voir avec les prévisions de début de crise. A l’époque, il était parfois question d’une implosion de moitié en termes de banques. Genève a perdu une vingtaine de banques étrangères, mais il s’agissait surtout de petites filiales. Il en reste près de cinquante. A peu près autant que de banques suisses.
Et du côté des effectifs ?
La perte a été à peu près de 10% sur dix ans. 10% de 20 000 emplois. Les banques suisses se sont beaucoup et rapidement réorganisées. Elles en ont d’ailleurs l’habitude. Elle se développent surtout à l’international aujourd’hui. Les fonds qu’elles gèrent dans le monde ne cessent d’augmenter. Même si la concurrence s’élargit et que la part de la fortune mondiale gérée en Suisse a un peu diminué. Elle est passée de 30% à 27,5% en dix ans. On ne peut guère parler d’une bulle qui aurait éclaté.
En plus, cette crise du secret bancaire a eu lieu en pleine crise financière dans le monde.
Oui, mais ce timing a peut-être été une chance pour la Suisse, avec sa réputation de refuge. Bien des capitaux en dépôt et à problèmes auraient pu s’évader. Ils ont préféré régler leur situation fiscale ici. Et rester en Suisse.
Avec le recul et au-delà de toutes les controverses, peut-on dire que la Suisse aurait pu éviter de devoir renoncer à son légendaire secret bancaire ?
Non, certainement pas. Ces dix années vont sans doute intéresser des volées d’historiens. Et l’on retiendra que ce sont des pressions internationales qui ont eu raison du secret bancaire.
Mais même si elles n’avaient pas eu lieu, certaines technologies rendait ce secret de moins en moins défendable. Les risques de pillage de données devenait évident. Bien des dirigeants bancaires à Genève s’en sont déjà rendu compte dans les années 2000. Ils s’étaient habitués à l’idée que le secret bancaire fiscal n’avait guère d’avenir. Certains en parlaient d’ailleurs ouvertement avec leurs clients.