Je suis tellement heureuse d’être ici dans ce temple du chocolat et de la pâtisserie ce matin!
Je ne peux pas rêver bonheur plus grand que d’être entourée de croissants, brioches, macarons, truffes au chocolat, Saint-Honorés, Forêts-Noires, éclairs, mille-feuilles, etc
C’est quasi un acte de résistance aujourd’hui, de transgression, de désobéissance, que dis-je? De rébellion, de révolte, de sédition !
Hors de ce paradis, nous sommes désormais cernés.
Dehors, c’est désormais la police de la santé, du gras et du sucre.
Ça commence par une nouvelle tendance : le régime non pas de printemps, pré-estival, pour se préparer à se montrer en bikini, mais le régime pré-Noël, afin de faire pénitence avant même d’avoir ingurgité la moindre bouchée de bûche ou de foie gras. Dans les kiosques, les magazines santé, les magazines féminin, les magazines cuisine tartinent sur le thème : « Les Fêtes mais sans les kilos », « Vos menus de Noel minceur », « Régalez vos convives en toute légèreté!»
Ça se poursuit avec les apéros dit « santé ». Quintessence du genre : les chips aux légumes, très à la mode. C’est salé, c’est croquant, c’est gras, mais - ah ! c’est fait avec des légumes, alors on peut taper dans le bol.
Ça continue avec le respect des minorités – très à la mode, aussi, le respect des minorités : désormais, si vous pensez bûche de Noël, biscuits de Noël, apéros de Noël, il faut penser à ceux qui ne mangent pas de lactose, ni de gluten, ni de produits animaux, ni de sucre raffiné - donc des gâteaux, oui, mais sans beurre, sans crème, sans œufs, sans sucre, sans farine de blé. Je vous laisse imaginer.
Ça s’étend à la dictature des « a », quinoa, graines de chia, Darvida, etc : si on n’a jamais découvert l’Eldorado en Amérique latine, on se rue désormais sur ces céréales comme si c’était de l’or.
Du coup, entre le respect des minorités et la dictature des « a », à nous les puddings de graines de chia et autres pavés compacts que l’on dirait préparés pour des soldats en mission ou des bûcherons canadiens.
Et je ne parle même pas du foie gras vegan et du champagne sans alcool…
Dans ce temple du sucré, j’ose le dire :
Un peu de courage, que diable !
Il faut savoir : soit l’on fête, soit l’on ne fête pas.
Si on fête, on fête. Et on assume de fêter. Parce que la fête, ça doit déborder. D’amour, de chaleur humaine, de musique, de cadeaux, de champagne, de nourriture.
Lâchez-nous, chers messieurs et dames de la police de la santé du gras et du sucre, et surtout lâchez-vous mesdames et messieurs, oubliez que vous êtes les héritiers de Calvin et du protestantisme culpabilisant, venez faire une razzia chez Martel, faites une indigestion de Saint-Honorés, de Forêts-Noires, de mille-feuilles et de bûches de Noël.
Vous connaissez le refrain « Nous avons toute la mort pour nous reposer », signé Georges Moustaki ?
C’est pareil avec la fête, Noël et Nouvel-An.
Quand la fête sera finie, il sera bien temps d’arrêter tout ça, de ne plus faire la fête, de « faire attention » comme on dit.
Et de se préparer, par exemple, au régime de printemps…