Coup d'envoi ce lundi du troisième procès d’Erwin Sperisen, le binational suisse et Guatémaltèque.
Il s’est ouvert ce matin devant la chambre d’appel et de révision genevoise. En 2015, l’ancien chef de la police du Guatemala a été condamné à la prison à vie par la Cour de justice genevoise pour l’assassinat de 10 prisonniers, dont 7 à la prison de Pavon. Il a été reconnu coupable de les avoir exécuté de façon extrajudiciaire et de l'avoir planifié. Ce troisième procès a été ordonné par le Tribunal fédéral en juin 2017. Il a estimé notamment que l’administration des preuves par la cour cantonale n’était pas suffisante.
Beaucoup de monde ce lundi matin à l’ouverture de ce procès très politique. Présents dans la salle la famille d’Erwin Sperisen, mais également un ambassadeur du Guatemala, comme si le représentant voulait montrer le soutien de son pays à l’ancien chef de la police. Les parties ont débuté la journée par les questions préjudicielles entendez les questions auxquelles le tribunal doit répondre avant même l’ouverture des débats. Et là surprise, le Ministère public voulait modifier l’acte d’accusation.
En effet, Yves Bertossa voulait y ajouter un chef d’accusation, la commission par omission. Selon le représentant du ministère public, Erwin Sperisen, en tant que chef de la police était garant de la santé physique et psychique des prisonniers. Une demande qui a fait bondir la défense. L’avocat Georgio Campà a estimé que de modifier l’acte d’accusation violait les droits fondamentaux de son client.
Puis ce fut au tour de la défense de dérouler ses propres questions préjudicielles. Pas moins de six en tout. Parmi celles-ci, toujours la même requête. Celle de la volonté réelle de la plaignante, la mère d’un des détenus tués à la prison de Pavon, de faire ce procès. Selon Maître Florian Baier, celle-ci aurait dit face caméra à un journaliste en 2014 qu’elle ne voulait pas de mal à Erwin Sperisen. Les avocats de la défense réclament qu’elle soit jointe par skype par le tribunal pour s’assurer de sa réelle volonté. Parmi les autres questions préjudicielles, citons encore celle des éventuels avantages reçus par les témoins pour témoigner devant la CICIG, la commission contre l’impunité au Guatemala, chargée de recueillir les preuves.
Puis l’avocate de la plaignante, la mère du détenu assassinée s'est exprimée. Elle a dissipé tout trouble. Alexandra Lopez s’est indignée de "la mauvaise foi crasse" des avocats de la défense. Elle a affirmé avoir joint par téléphone sa cliente pas plus tard que la semaine dernière. Celle-ci lui aurait donné la bénédiction de Dieu pour le procès et aurait réitéré sa volonté de faire condamner "cet hypocrite de Sperisen".
L’audience a repris cet après-midi mais elle a été de courte durée. La présidente Alessandra Cambi Favre Bulle a lu la décision très succincte de la Chambre d'appel et de révision genevoise. Elle a rappelé qu’en cas de renvoi, la cour est liée par les conclusions du Tribunal fédéral. Il n’est pas possible d’admettre des faits nouveaux. Sur ce principe, elle a admis, comme le tribunal fédéral que la plaignante avait valablement manifesté sa volonté de mener ce procès en signant l’acte d’accusation. De même, elle a rejeté la demande du procureur Yves Bartossa d’ajouter un nouveau chef d’accusation. Les avocats de la défense ont demandé l'acquittement de leur client ainsi qu'une réparation pour tort moral de un million de francs pour les cinq ans passés en prison préventive ainsi que 300'000 francs pour sa famille.
Les débats ont ensuite réellement commencé avec l’audition de l’accusé. Mais Erwin Sperisen a refusé de répondre aux questions de la présidente estimant qu’en cinq ans, il avait déjà tout dit et que tout avait été systématiquement retenu contre lui.
Le procès reprend ce mardi avec l'audition de deux témoins.