Les murs de Genève sont recouverts d’affiches. La richesse culturelle de notre ville se découvre à même la rue, à la façon d’une exposition permanente, d’un vernissage en plein air qui n’en finit pas de se renouveler. Les colleurs d’affiches sont au travail dès les premières heures de la journée. Ils déroulent leurs posters au format mondial, utilisent les supports à disposition un peu partout recouvrent de couleurs le gris bétonné qui, lui, n’a rien à promouvoir, sinon sa tristesse cafardeuse.
Les amateurs de cet art visuel au graphisme souvent raffiné sont vraiment comblés. La production locale est riche comme l’est la diversité des signatures. Oublions un instant le théâtre, la danse, la musique et les manifestations sportives. Rapprochons-nous du lac et de ces baigneurs « givrés » qui se mettent à l’eau jusque tard dans la saison. Les nageurs d’hiver ont leur bassin naturel, leur descente du phare comme d’autres leur descente à ski, une distance d’un peu plus de 100 mètres, située le long de la jetée des Bains des Pâquis, au pied de ce ponton vintage où, en plein été, les corps se dénudent pour bronzer au soleil.
Eh bien, ces nageurs inaccessibles au commun des épidermes, ont eux aussi leur affiche qui, chaque année, durant l’automne, annonce leur discipline favorite: la nage de nuit, dans une eau qui chutera immanquablement sous les dix degrés à l’approche de Noël.
On se souvient encore des affiches magbnifiques annonçant les précédentes éditions. Notamment celle d’une double silhouette sur fond noir, un phare et un athlète torse nu au crâne de cyclope. L’effet produit par la lampe frontale renforçait l’étrangeté de la rencontre, celle d’un allumé, littéralement dit, se préparant à entrer dans l’eau.
En 2017, on y était dans l’eau, avec une femme nageant à fleur d’obscurité, équipée d’un bonnet et de lunettes. Une manière assez élégante de souligner que les participants à la nage de nuit sont, pour moitié, des femmes. Elles se sont toutes reconnues dans cette immersion en harmonie avec les éléments aquatiques.
Sur l’affiche qui vient de paraître, la reconnaissance est un peu plus compliquée. Le frère et la sœur d’adoption ont disparu. Ne reste plus qu’un sac à dos sur la jetée en pierre, un linge de bain enroulé sur lui-même et un thermos de boisson chaude. Mais surtout, un loup reniflant le bagage simplifié du nageur d’aujourd’hui. Il n’est pas venu seul, le loup. Il a sa meute avec lui et la neige qui est tombée leur sert de tapis de sol.
L’illustrateur de la plus belle affiche du moment s’appelle Cédric Marendaz, graphiste et artiste accompli, adepte des températures tropicales.
La nuit, l’eau est vraiment noire. En hiver, elle mord. Ce moment particulier est l’occasion de s’accorder à soi-même les derniers petits frissons que l’on puisse s’offrir dans une ville construite sur le confort. Un bref instant de sauvagerie dans un environnement urbain protecteur, voilà ce que nous donne à voir sur son affiche l’ami des loups.
La suite est plus prosaïque. Une bonne affiche a toujours des informations à lire. Cinq sessions de nage de nuit sont agendées jusqu’à la fin de l’heure d’hiver. Elles ont lieu le mercredi, de 18h30 à 20h, et commencent le 21 novembre.
On ne vise pas ici l’exploit, juste le plaisir et la convivialité. Sous la pleine lune. Si le ciel est clair et l’air glacial, cela promet de belles immersions collectives, avant le thé et les marrons chauds offerts aux participants qui sortent de l’eau.