Les cantons suisses employant des frontaliers attendent avec impatience que l’administration des finances à Bercy leur rétrocède leur part?
La France accumule un retard qui atteint bientôt six mois dans la rétrocession de l’impôt prélevé dans l’hexagone sur les revenus des travailleurs frontaliers qui exercent une activité en Suisse. Il faut dire que Genève fait figure d’exception. En raison d’accords historiques remontant à 1973 et englobant le Grand Genève, ce canton prélève directement l’impôt à la source sur le revenu des travailleurs frontaliers et en restitue ensuite le 28% aux collectivités de l’Ain et de la Haute-Savoie, soit bon an mal an quelque 300 millions de francs. Pour les autres cantons suisses, c’est la France qui prélève et rétrocède ensuite.
Le montant dû par Bercy est important ?
Ce sont quelque 320 millions de francs que la France doit aux cantons suisses concernés depuis le mois de juin. Les collectivités de l’Arc jurassien sont les plus touchées par ce retard. Le Canton de Vaud attend le versement de 112 millions de francs au titre de la rétrocession pour l’année 2017. Et la prochaine facture sera encore plus élevée puisque le nombre de frontaliers occupés sur territoire vaudois a encore augmenté cette année.
Ce retard place les collectivités locales dans une situation inconfortable ?
Certainement. Même si la Suisse a une image de pays riche. Les communes de la Vallée de Joux, qui accueillent les grandes entreprises horlogères, mais aussi Vallorbe et Ballaigues, pour ne donner que quelques exemples, doivent prendre des mesures. Le syndic de Ballaigues, Raphaël Darbellay, nous a confirmé hier que montant dû à sa commune se monte à 1,6 millions de francs. Son collègue Stéphane Costantini, syndic de Vallorbe, attend un peu plus de deux millions de francs. Du coup, ils doivent emprunter pour financer les charges courantes.
La rétrocession tardive de l’impôt ne constitue pas une première
Malheureusement pas. Le problème est apparu la première fois sous la présidence de Nicolas Sarkozy. A l’époque, la crise économique et avec elle une baisse sensible des recettes fiscales et des taxes, avait été invoquée pour justifier ce retard. L’incident s’est répété sous François Hollande, il y a cinq ans. La facture avait finalement été soldée durant les fêtes de fin d’année. Manifestement, l’ancien banquier Emmanuel Macron n’a pas mieux réussi en matière de planification financière. D’ailleurs, depuis mi-novembre, la France emprunte pour financer ses charges courantes.
Cette affaire agite les milieux politiques
En effet, des députés vaudois provenant de régions limitrophes sont montés à la tribune du Grand Conseil pour dénoncer cette situation et exiger que la France, qui jouit d’une véritable culture dans la facturation des intérêts de retard, les fameux Agios, donne l’exemple. Autrement dit, que les autorités suisses facturent des pénalités. Mais cela paraît difficile, car l’accord passé entre la Suisse et la France, en 1983, ne prévoit pas ce type de situation. A l’heure où le Gouvernement français s’apprête à passer au système d’imposition la source, la Suisse ferait peut-être bien de s’en inspirer. Et, à l’instar de Genève, de prélever directement l’impôt sur les revenus des frontaliers travaillant en Suisse. Mais ce serait ouvrir la boîte de pandore. Car dans la culture helvétique, même si l’imposition à la source existe pour certaines catégories de travailleurs, on tient viscéralement à la déclaration d’impôt, fastidieuse, mais érigée en symbole de la démocratie.