Alors que les financements mondiaux s’effondrent, la cité de Calvin accueillera la 14e Conférence de l’IAS sur la science du VIH. Un signal fort, à l’heure où les avancées médicales se heurtent à des reculs politiques. Entretien à l'occasion de la journée de lutte contre le sida avec la professeure Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH aux HUG.
Ce 1er décembre 2025, l’International AIDS Society et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en présence de Pierre Maudet et Christina Kitsos, ont annoncé que Genève accueillera la 14e Conférence internationale sur la science du VIH, en juillet 2027. Un choix symbolique fort, à l’heure où les financements mondiaux pour le VIH connaissent une chute brutale, menaçant des décennies de progrès en matière de prévention et de traitement. « 2025 a été un tremblement de terre dans la santé mondiale », alerte la professeure Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH aux HUG.
Le financement de la recherche s’effondre, des mots comme “diversité” ou “femmes” deviennent tabous dans certaines demandes de subventions internationales. C’est très grave.
Un contexte mondial préoccupant
Selon l’ONUSIDA, l’arrêt des soutiens américains pourrait entraîner 6 millions de nouvelles infections et 4 millions de décès supplémentaires d’ici 2029. Un constat alarmant, alors que certains programmes de soutien, en place depuis plus de vingt ans, risquent d’être interrompus.
La Suisse, pour l’heure, reste relativement épargnée grâce à une stratégie nationale efficace. « Grâce à la PrEP remboursée, nous observons une baisse des nouvelles acquisitions du VIH, notamment chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes », souligne la Pre Calmy.
Mais elle s’inquiète d’un relâchement dans la prévention.
L’usage du préservatif n’a plus la même signification qu’il y a 30 ans. Le VIH est aujourd’hui une maladie chronique, non plus mortelle. C’est une bonne nouvelle, mais cela peut engendrer un faux sentiment de sécurité.
Genève, à nouveau au centre du jeu
La conférence de 2027 réunira environ 5'000 experts internationaux à Genève. Pour la Pre Calmy, ce rendez-vous ne doit pas être qu’un événement ponctuel, mais le point de départ d’un véritable héritage : « L’idée, c’est de créer un momentum. Genève a un rôle à jouer pour reconstruire une gouvernance de santé globale, qui est aujourd’hui à repenser. »
La ville ambitionne ainsi de devenir un pôle d’innovation en matière de prévention du VIH. Un projet de centre mondial de la prévention est à l’étude, avec l’IAS en chef de file, soutenu par les HUG, l’Université de Genève, le canton et la ville de Genève. Objectif: fédérer les compétences et stimuler des solutions concrètes, face à un monde de plus en plus fragmenté.
Le VIH a toujours été exemplaire en matière de modèle de soins: communautaire, multidisciplinaire, solidaire. C’est ce modèle que nous ne voulons pas perdre.
Entre avancées scientifiques et menaces politiques
Malgré les incertitudes, les avancées médicales continuent. Une molécule prometteuse, le Lenaavir, prévient à près de 99 % les nouvelles infections dans les populations les plus exposées. Les traitements, eux aussi, évoluent : certains à longue durée d’action pourraient bientôt être administrés tous les six mois.
Genève n’est pas étrangère à ces progrès. En 2024, un patient y a été guéri du VIH grâce à une greffe de moelle. Ce cas unique a ouvert la voie à de nouveaux essais cliniques à l’échelle européenne. « Même un seul cas peut faire bouger la recherche », rappelle la Pre Calmy.
Une mobilisation locale, un enjeu global
Alors que certaines puissances, comme les États-Unis, renoncent à commémorer la Journée mondiale contre le sida, Genève réaffirme son engagement. La Pre Calmy en appelle à la vigilance.
Trop de vies dépendent encore de ces financements. Il n’est plus possible de reculer.
Avec IA