Les violences liées aux émeutes en Nouvelle-Calédonie se poursuivent samedi avec un sixième mort en six jours, selon les autorités. La situation est "loin d'un retour à l'apaisement" selon la maire de Nouméa, qui a évoqué "une ville assiégée".
Un Caldoche - nom donné à la partie de la population locale d'origine européenne - a été tué à la mi-journée et deux autres hommes ont été blessés à Kaala-Gomen (Nord) dans un échange de coups de feu sur un barrage érigé par des émeutiers.
Ces émeutes, les plus graves en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1980, sont causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes. Il s'agit du premier mort hors de l'agglomération de Nouméa, la "capitale" calédonienne, où s'étaient concentrées jusque-là les émeutes essentiellement urbaines.
Outre les six morts - deux gendarmes et quatre civils dont trois Kanaks (d'origine autochtone mélanésienne) et un Caldoche - des centaines de blessés sont à déplorer, selon les autorités.
Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1000 renforts supplémentaires, en plus des 1700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises à reprendre le contrôle de la situation.
"Tristesse infinie"
"Les deux dernières nuits, on peut dire qu'elles étaient plus calmes", mais "les jours se ressemblent" avec leur "lot d'incendies", a déclaré samedi à la chaîne BFMTV la maire de Nouméa, Sonia Lagarde, du parti "Renaissance" du président français Emmanuel Macron.
"Au moment où je vous parle, il y a des barricades qui sont montées dans un quartier Est de la ville de Nouméa, qui sont tenues (...) par les indépendantistes", a-t-elle poursuivi, assurant que la situation ne s'améliorait pas, "bien au contraire, malgré tous les appels à l'apaisement".
"Quand je vois tous ces dégâts, et que ce soit les biens privés ou les biens publics qui partent en fumée, c'est la désolation", s'est émue Mme Lagarde, parlant d'une "tristesse infinie". "Est-ce qu'on peut dire qu'on est dans une ville assiégée? Oui, je pense qu'on peut le dire", a-t-elle ajouté.
Interrogée sur le montant des dégâts, elle s'est dite dans l'"impossibilité" de les chiffrer. "Il y a des tas de structures municipales qui ont brûlé, des médiathèques, des écoles". Selon des estimations locales, le montant des dégâts atteignait jeudi 200 millions d'euros.
La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile. Les dégâts compliquent le ravitaillement dans les commerces ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.
Files d'attente
Dans le quartier de Magenta à Nouméa, la rue est jonchée de débris et de voitures calcinées, stigmates des troubles de la nuit, a constaté samedi l'AFP. Un important dispositif policier la sécurise désormais.
Une pizzeria et un traiteur japonais ont été réduits en cendres mais un supermarché juste à côté a rouvert ses portes pour quelques heures seulement, avec une file d'attente de plusieurs centaines de personnes.
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé à cesser barrages et barricades. "On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça", a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique. "Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation".
Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.
En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires. Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a concédé vendredi que trois quartiers défavorisés de Nouméa, en majorité peuplés de Kanaks, restaient aux mains de "centaines d'émeutiers".
"Pont aérien"
Il a promis la mobilisation de l'Etat pour "organiser l'acheminement des produits de première nécessité", ainsi qu'un "pont aérien" entre l'Hexagone et son archipel, séparés de plus de 16'000 km.
Les violences ont "anéanti" 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville, selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, et les vols commerciaux restent suspendus.
A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet "la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions". Eric Dupond-Moretti a ajouté qu'il envisageait de transférer en métropole les "criminels" arrêtés "pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles".
Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur "les commanditaires" des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement. Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet. Jeudi, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation "mafieuse".
Vendredi, ce collectif a demandé "un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence". Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation "n'a pas appelé à la violence", attribuant ces émeutes à une "population majoritairement kanak marginalisée".
Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a entamé vendredi des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.
Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les pro-indépendance estiment que cela risque de réduire leur poids électoral.
Cet article a été publié automatiquement. Sources : ats / afp