La fin de la valeur locative est actée. Le peuple et les cantons ont accepté dimanche par 57,7% de modifier l'imposition du logement. La gauche dénonce un cadeau fiscal pour les propriétaires, la droite y voit la fin d'un impôt injuste et unique en son genre. Radio Lac vous propose une carte interactive pour savoir comment a voté votre commune.
Tous les cantons romands ont refusé le projet. Les Genevois ont voté non à 66,1% et les Vaudois à 63,8%. Neuchâtel a dit non par 61,6% et le Jura avec 61,2%. Fribourg a aussi refusé, mais du bout des lèvres (50,8%).
Outre-Sarine, tous les cantons à part Bâle-Ville, ont largement soutenu le projet. Zurich a dit oui à la fin de la valeur locative à 61,2%. Lucerne, Argovie et Zoug à plus de 67%. C'est dans le canton de Berne que le soutien a été le plus faible, avec 55,3%.
Hormis le Valais (60,3%), les cantons de montagne se sont montrés largement favorables à la réforme. Les Grisons (67,1%) et le Tessin (56,5%) l'ont soutenue, alors que la Confédérence gouvernementale des cantons alpins avait appelé à voter "non".
Résidences principales et secondaires
La valeur locative concerne les propriétaires qui vivent dans leur maison ou leur appartement. Il s'agit d'un impôt sur un revenu fictif correspondant au revenu que ceux-ci obtiendraient s'ils mettaient leur bien en location.
La valeur locative sera supprimée aussi bien pour les résidences principales que pour les résidences secondaires. En contrepartie, les intérêts de la dette hypothécaire et les frais d'entretien et de rénovation de l'immeuble ne seront plus que partiellement déductibles.
Les pertes de recettes sont estimées à 1,8 milliard par an, dont deux tiers pour les cantons. Pour compenser les pertes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes, le projet prévoit un impôt spécial sur les résidences secondaires. Les cantons, surtout touristiques, seront libres de le prélever ou non.
La valeur locative ne sera pas abolie avant 2028, a indiqué la ministre des finances Karin Keller-Sutter à l'issue du scrutin. Cela laisse suffisamment de temps aux cantons pour s'adapter aux nouvelles conditions cadres.
Un geste pour la classe moyenne
Les opposants romands ne s'attendaient pas à un résultat aussi net. Le PS regrette le changement de système. Les propriétaires bénéficient désormais d'un allègement financier considérable. En revanche, les locataires et la classe moyenne devront supporter les pertes fiscales.
Le conseiller national Samuel Bendahan (PS/VD) estime qu'il est désormais temps de faire un geste pour les locataires et les payeurs de primes. Les locataires payent dix milliards de trop par an, rappelle-t-il.
Le PS s'engage en faveur de l'initiative sur les loyers. Le texte, lancé par l'Asloca, vise à maîtriser la hausse des loyers, notamment via un mécanisme de contrôle automatique et régulier. Et le parti à la rose va soumettre à son prochain congrès en octobre son projet d'initiative sur les primes maladie. Le parti veut fixer les primes en fonction du revenu.
Mauvais pour la transition énergétique
Les opposants s'inquiètent par ailleurs des retombées de la votation pour l'encouragement aux rénovations. C'est "un coup dur pour la transition énergétique", a déclaré la présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone.
Son parti va se battre contre le paquet d'économie prévu par la Confédération dès 2027 qui va réduire massivement les moyens pour la protection du climat. La Fondation Suisse pour l’Energie (SES) rappelle que chaque année, le programme Bâtiments distribue des aides à hauteur de 528 millions de francs. La SES plaide pour le préserver plutôt que le supprimer.
A droite aussi, certains sont déçus à l'image du sénateur Pascal Broulis (PLR/VD), qui s'écartait de la position officielle du PLR suisse. Le résultat reflète selon lui un net Röstigraben. Les cantons romands ont toujours été "parcimonieux" sur la valeur locative. A l'inverse, les cantons alémaniques ont péché par "excès fiscal", a-t-il déclaré. Une politique sanctionnée dans les urnes.
"Mini-révolution fiscale"
A l'opposé, l'Association des propriétaires fonciers (HEV) s'est réjouie d'un impôt relégué au rang de l'histoire. "Le peuple a envoyé un signal fort pour plus de justice fiscale, plus de responsabilité individuelle et plus d'encouragement pour le logement privé.
La valeur fiscale était un impôt fictif injuste, étranger au système fiscal et unique au monde, relève la HEV. Manfred Bühler (UDC/BE) a salué une "mini-révolution" fiscale. L'abolition de la valeur locative profitera à l'ensemble du pays.
Pour le président du Centre Philipp Matthias Bregy (VS), les pertes fiscales attendues sont à relativiser. Pour le canton du Valais, elle est estimée à 35 millions de francs sur un budget de 4,77 milliards, a-t-il illustré.
Il se dit assez sûr qu'une partie de cette perte devrait être compensée par le nouvel impôt sur les résidences secondaires. Lisa Mazzone attend que ce nouvel impôt soit réellement mis en oeuvre.
Avec Keystone-ATS