Cinquante jours après la démission du Premier ministre Gabriel Attal, la nomination de son successeur est encore repoussée. Emmanuel Macron, qui semblait prêt à nommer Xavier Bertrand, a fait marche arrière et explore d'autres pistes.
Parmi ces dernières figure celle de l'ex-commissaire européen de droite Michel Barnier.
L'Élysée a renoncé à une annonce mercredi soir, contrairement à ce qui était attendu encore en début d'après-midi, a confirmé à l'AFP un proche du président.
"On avance. Les critères du président restent la 'non censurabilité'", c'est-à-dire la garantie que le futur gouvernement ne sera pas immédiatement renversé dans une Assemblée nationale très fragmentée, "et la capacité à faire des coalitions car la situation politique l'exige", s'est borné à expliquer ce proche du chef de l'État.
En creux, cela semble indiquer qu'Emmanuel Macron est parvenu à la conclusion que les noms qu'il testait jusqu'ici, Xavier Bertrand à droite et Bernard Cazeneuve à gauche, ne remplissaient pas ces critères. De fait, l'entourage présidentiel n'a pas redit mercredi soir, comme il le faisait de manière inlassable depuis trois jours, que ces deux options restaient envisagées.
Plusieurs membres du camp présidentiel évoquent un "front anti-Bertrand" qui s'est élevé en Macronie contre la très probable nomination du président des Hauts-de-France, membre du parti Les Républicains et tenant d'une droite sociale.
Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire menaçaient de fait de le censurer d'entrée de jeu, et disposent des chiffres pour y parvenir à l'Assemblée.
"Bertrand est très probablement mort à 100%", constate un conseiller ministériel, "car il n'aurait jamais eu de majorité sur aucun texte".
La piste Barnier
Ex-Premier ministre socialiste mais non assuré de recueillir le feu vert du PS qu'il a quitté, Bernard Cazeneuve a lui été écarté par Emmanuel Macron car il voulait rester "droit dans ses bottes" sur un programme de gauche, sans rechercher d'emblée des compromis avec le centre, estime un cadre macroniste.
Tout à recommencer, donc? Mercredi soir, le nom de Michel Barnier, 73 ans, qui fut aussi ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac et négociateur du Brexit au nom de l'Union européenne, circulait avec insistance.
Selon une ministre démissionnaire, l'Elysée a échangé avec lui dans la journée, quant d'autres vantent son profil "moins clivant" et "plus consensuel".
"Il est très apprécié des députés de droite sans que ce soit un irritant à gauche. Si Xavier Bertrand coince vraiment, je ne vois pas d'autres pistes que la sienne", glisse-t-elle.
L'option du maire de Cannes et président de l'Association des maires de France (AMF), David Lisnard, avancé dans la journée, s'était aussi rapidement éloignée, dans cette valse de noms souvent météoriques.
Le chef de l'État est pressé de toutes parts d'arrêter un choix près de trois mois après la dissolution qu'il a lui-même provoquée, le 9 juin, et deux mois après le second tour des législatives qui a débouché sur une Assemblée sans majorité ni coalition viable à ce jour.
Dans cette situation inextricable, Emmanuel Macron penche pour un Premier ministre "politique", après avoir caressé la piste de la société civile.
Le RN a fait savoir ces derniers jours qu'il s'opposait frontalement à Xavier Bertrand, qu'il juge trop hostile à ses idées et ses électeurs.
"Feux de l'amour"
Le parti d'extrême droite, qui censurerait aussi un gouvernement Cazeneuve, se montre moins hostile à d'autres personnalités de droite, comme l'ex-ministre centriste Jean-Louis Borloo cité par Sébastien Chenu sur LCI, car il "se comporte bien" à son égard.
A gauche, la menace de censure était aussi brandie contre une équipe Bertrand. Les Insoumis continuent même d'affirmer qu'ils censureront tout autre Premier ministre que Lucie Castets, la candidate du NFP déjà éconduite par Emmanuel Macron.
Le patron des socialistes Olivier Faure a lui émis de fortes réserves à l'égard de Bernard Cazeneuve, mais sans fermer totalement la porte. Ce serait "une forme d'anomalie" de choisir "le seul homme de gauche qui s'est battu contre le Front populaire", a-t-il jugé sur TF1.
"Qu'importe le nom, nous voulons abrogation ou moratoire de la réforme des retraites, hausse des salaires et un budget en augmentation pour investir dans les services publics", a également plaidé sur RTL le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel. Avant d'ironiser sur BFMTV sur ce "mauvais feuilleton" qui ressemble "aux Feux de l'amour".
"Plus le temps passe, plus c'est catastrophique. La colère monte. Les gens nous demandent quand on commence a bosser. Il y a urgence à agir sinon c'est la rue qui va prendre le relais", a prévenu le patron du groupe centriste Liot Stéphane Lenormand.
"La durée est trop longue", a aussi protesté l'ancien président socialiste François Hollande dans l'émission Quotidien sur TMC. "Parfois il vaut mieux décider mal que de ne pas décider", a-t-il ajouté, estimant qu'Emmanuel Macron, qui a pourtant reconnu la défaite de son camp aux élections, ne voulait "pas cohabiter".
Cet article a été publié automatiquement. Sources : ats / afp