Le Conseil fédéral reconnaît sa déception et parle de "coup de massue" après la surtaxe de 39% imposée par Donald Trump sur les exportations suisses aux Etats-Unis. Mais il poursuivra les discussions afin de "faire baisser le plus rapidement possible" ce taux.
"La situation s’annonce extrêmement difficile pour certaines entreprises et certains secteurs de l’économie suisse", a reconnu devant les médias jeudi à Berne le ministre de l’Economie Guy Parmelin. "Mais sur le plan macro-économique, il n’y a pas de parallèle avec ce que nous avons traversé durant le Covid."
Les solutions "prennent du temps"
Le Conseil fédéral garde espoir et "reste en contact" avec les autorités américaines ainsi qu’avec les branches concernées. "Il était clair pour nous que nous n’allions pas obtenir de Donald Trump, du moins pas tout de suite, qu’il revienne sur sa décision", a relevé la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter, après son voyage express "de la dernière chance" à Washington mardi et mercredi. "Trouver des solutions demande du temps."
Ce déplacement a néanmoins permis – à défaut d’une rencontre avec le président américain Donald Trump – d’"élargir le cercle" des partenaires dans la négociation, a-t-elle indiqué. "Nous travaillons en équipe, le Team Switzerland, de façon solidaire, avec le soutien des milieux économiques", a complété le vice-président Guy Parmelin.
La surtaxe additionnelle frappe dès ce jeudi près de 60 % des exportations de biens suisses aux Etats-Unis. Le coup est rude, notamment pour la Suisse romande et occidentale, pour laquelle Mme Keller-Sutter a eu une pensée particulière. Les secteurs les plus touchés sont l’horlogerie, les machines, les appareils médicaux, les instruments de précision et certains produits alimentaires, a précisé M. Parmelin.
Pas de récession
Le chef de la Direction de la politique économique au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) Eric Scheidegger a souligné que la Suisse connaîtrait néanmoins une croissance l’an prochain, mais plus modérée que prévu. Le tissu économique suisse reste fort et stable dans son ensemble.
Pas question, a dit M. Parmelin, que la Suisse se lance dans une escalade avec par exemple des mesures de rétorsions douanières. Ce serait contre-productif pour l’économie helvétique, et "contraire à nos valeurs", selon les mots de la présidente.
Ainsi, le Conseil fédéral ne remet pas en question l’achat des avions de combat américains F-35, comme le réclament certains parlementaires au regard des retards de livraison pris et des surcoûts. Le pays en a besoin pour sa défense, a assuré Mme Keller-Sutter.
L'outil du chômage partiel
Certes, "nous sommes toujours plus intelligents après coup", a répondu M. Parmelin au journaliste demandant si les négociateurs suisses avaient commis des erreurs. "Nous avions des signaux favorables de plusieurs départements (américains), mais au final, c’est Donald Trump qui décide. D’autres pays que nous ont reçu de mauvaises nouvelles, c’est ainsi que ça fonctionne aux Etats-Unis."
Concrètement, le gouvernement suisse viendra en aide aux entreprises et aux secteurs les plus touchés. Il va accélérer la procédure en vue de l’extension de 18 à 24 mois des indemnités pour chômage partiel, comme le réclame une initiative parlementaire. Il s’efforcera aussi d’assouplir la charge administrative et d’améliorer les conditions-cadre pour l’économie.
Eric Scheidegger a souligné à quel point les réductions d’horaire de travail (ou RHT/chômage partiel) étaient efficaces pour éviter des licenciements. L’assurance prend en charge jusqu'à 80% des coûts salariaux durant la période concernée, ce qui est "considérable".
Karin Keller-Sutter a laissé entendre que la Suisse avait souffert aussi d’un mauvais timing. Le déficit commercial américain de près de 40 milliards de dollars calculé par l’administration US reposait sur les chiffres de 2024, une année où le commerce de l’or de la Suisse vers les Etats-Unis a été particulièrement important, en anticipation justement de la surtaxe douanière. L’or à lui seul a représenté 11 milliards du déficit.
Pharma à part
Le secteur de la pharma, pour l’instant, est épargné par la surenchère américaine. Les multinationales négocient directement avec Donald Trump, a indiqué M. Parmelin, rappelant que le président américain était très désireux de faire baisser le prix des médicaments dans son pays et d’attirer de nouveaux pans de la production dans son pays. Les grands producteurs mondiaux de médicaments ont jusqu’au 29 septembre pour soumettre une offre acceptable pour M. Trump.
Concernant l’offre du gouvernement helvétique pour les autres branches, Mme Keller-Sutter et M. Parmelin ont dit que leurs interlocuteurs avaient estimé que la Suisse n’était pas allée "assez loin sur le chemin menant à des compensations" (de son excédent commercial). La Confédération s'attelle désormais à présenter une "offre améliorée". Aucun détail n’a été donné à ce sujet, pour ne pas nuire aux négociations.
Mme Keller-Sutter a conclu sur une note optimiste: "La Suisse a déjà traversé des situations assez difficiles, dont elle a pu ressortir plus forte. Peut-être qu'une certaine pression est parfois nécessaire."