Le lancement en fin de semaine dernière à Berne de la procédure de consultation sur l’accord institutionnel avec l’Europe n’a pas suscité de grande émotion. Ça semble pourtant être un tournant dans la politique européenne de la Suisse.
Une sorte de « reset » selon le terme d’Ignazio Cassis, conseiller fédéral aux Affaires étrangères. Une réinitialisation bien plus profonde qu’envisagé lors de son élection il y a un an. La Suisse ne veut pas céder aux pressions apparemment sans fin de Bruxelles. Alors c’est tout le débat national sur la politique européenne qu’il s’agit de reprendre à zéro.
Après cinq longues années de négociations ! Est-ce vraiment le Brexit qui est venu compliquer les choses ?
Mais pas seulement. La Commission européenne n’a plus voulu donner l’impression d’accorder quoi que ce soit aux Suisses. Mais le problème, c’est que les exigences européennes se sont même élargies. Jusqu’à envisager que la Suisse accorde des aides sociales sur la base de la nationalité européenne. Une sorte de ségrégation positive par rapport aux ressortissants du reste du monde. Le genre de choses qui revient à programmer une belle impasse.
Et puis il y a eu la menace fatale de retirer l’équivalence boursière à la Suisse. Alors qu’elle est accordée aux Etats-Unis et à la Chine de Hong Kong. Ça a été un véritable choc en Suisse. Après avoir tant répété que les Accords bilatéraux I et II du début des années 2000 mettaient le pays à l’abri de ce genre d’acte d’autorité et d’instabilité ! Une illusion en fait. A quand maintenant des menaces sur l’approvisionnement de la Suisse en énergie ? La confiance n’existe plus. Cette affaire a même sérieusement déstabilisé les organisations économiques. Elles se rendent compte qu’un accès encore plus facilité au marché européen devient dérisoire par rapport à ce qui se joue politiquement.
Et le Parti socialiste s’est rangé du côté des souverainistes pour défendre les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes.
Oui, ça a été l’acte final. La gauche a toujours rêvé que l’Union Européenne impose à la Suisse les mesures sociales qu’elle ne parvenait pas elle-même à obtenir. Pas le contraire ! Alors là aussi, la confiance a disparu. Et il faudra beaucoup pour qu’elle revienne.
Le nouvel axe souverainiste UDC – socialistes va changer bien des choses l’an prochain, non ?
C’est énorme. La direction du parti socialiste a en plus très bien manœuvré. Ce retournement a eu lieu quinze mois avant les élections fédérales. Juste un peu tôt pour que l’on parle d’électoralisme à propos de ce retournement.
Il va pourtant y avoir des effets sur les élections fédérales. Le grand objectif des socialistes, c’est de redevenir le premier parti de Suisse à la place de l’UDC. Alors que la gauche s’est effondrée en Italie, en France, en Allemagne. Il faudra voir quelles conséquences ce nouveau positionnement va avoir sur le Parlement. Ce qui est sûr, c’est qu’il va beaucoup compter dans l’évolution des relations avec l’Europe. C’est ce qui devrait apparaître lors de cette grande consultation qui aura lieu ces prochains mois.