L’élection de Pierre-Yves Maillard à la tête de l’Union syndicale suisse samedi à Berne a un peu relégué au second plan un autre rendez-vous important de la gauche. Le congrès du Parti socialiste suisse (PSS) le même jour en Argovie. Il s’agissait de fixer la doctrine économique pour dix ans…
Le Parti socialiste est le deuxième de Suisse après l’UDC, et ce qu’il dit de l’économie n’est évidemment pas rien. La nouvelle doctrine a été élaborée pendant un an en partant de la base. Elle tombe à la veille d’une année électorale. La grande nouvelle, c’est qu’elle ne mentionne plus le dépassement du capitalisme comme ultime horizon. La page semble enfin tournée. Même si ça peut paraître un peu intempestif : ça vient au moment où l’on reparle beaucoup de dépassement du capitalisme, justement. Sauf qu’il s’agit cette fois de révolution numérique. Non plus de lutte des classes.
Et que dit la nouvelle doctrine économique socialiste à propos de la révolution numérique et de ses effets sur l’emploi ?
La réponse est à peu près la même que dans les autres partis. Formation, formation et formation. Pour le reste, il faut être vigilant sur les dégâts collatéraux de la numérisation. Et de la mondialisation d’ailleurs, que les socialistes ont toujours considérée comme irréversible. Il s’agit surtout de protéger les plus faibles en comptant sur l’Etat. Sur ses interdictions et sa régulation. C’est un peu l’identité contemporaine de la gauche, dans le fond. Et ça lui va plutôt bien.
Le conseiller d’Etat vaudois Pierre-Yves Maillard prenant le contrôle du bras syndical des socialistes suisses, c’est d’ailleurs un peu le symbole de cette approche pragmatique. Maillard sera parvenu à augmenter les dépenses sociales du canton de plus d’un demi-milliard de francs en quinze ans. Et de manière durable. De quoi faire oublier son admiration proclamée pour le vénézuélien Hugo Chavez en début de mandat.
Et les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, menacées par l’Union européenne ? La crispation de la gauche va aussi dans ce sens, non ?
Oui, complètement. Et c’est également un tournant important. Après cet épisode, on ne pourra plus dire que les socialistes en Suisse sont les derniers adeptes d’une adhésion à l’Union. La Suisse a l’un des systèmes sociaux les plus généreux du monde. Les socialistes n’y sont pas pour rien. Et ils ont fini par comprendre que ce n’était pas Bruxelles qui allait imposer à la Suisse le progrès social.
Ca change le rapport de force à Berne sur la politique européenne de la Suisse.
Ca l’a complètement changé en quelques jours. Avec une coalition UDC-socialistes. La gauche s’est tout simplement rendue compte qu’elle n’était plus en état d’assumer ce que Bruxelles voulait imposer. A un an des élections fédérales, ça met tout le centre dans l’embarras. Ca signifie qu’une large majorité politique préfère assumer les dégâts collatéraux économiques de la mésentente avec Bruxelles. Avec des effets pénibles sur les entreprises et même sur l’emploi. A court terme tout au moins. Pour autant que cette position tienne à gauche après les élections, bien entendu.