C’est la fin des comptes privés gratuits chez Postfinance. La banque publique de la Confédération a communiqué ses tarifs, et ce n’est pas rien. L’annonce s’inscrit dans une suite de nouvelles alarmantes. Et l’on se demande bien où va conduire cette crise.
Une taxe de base de 5 francs par mois depuis janvier prochain. Ça fait 60 francs par an. Si l’on compte qu’un Suisse sur trois a un compte auprès de Postfinance, ça ferait 150 millions de francs. Mais ce sera plus compliqué, parce qu’il y aura beaucoup d’exceptions.
Un Suisse sur trois client de Postfinance ? Mais c’est énorme !
On peut le voir comme cela en effet. Postfinance a plus ou moins 2,5 millions de clients privés, mais près de 5 millions de comptes. Il est vrai que ça fait beaucoup pour cette société anonyme contrôlée par la Confédération. Postfinance a eu le monopole du trafic des paiements au début du XXe siècle. L’enseigne bénéficie encore d’une position très enviable sur le marché, avec une image rassurante de service public. Mais quand cette banque postale gratuite annonce qu’elle va facturer des frais, elle le fait pas voie de communiqué plutôt qu’en informant ses clients. Oui, la fin d’un rêve… c’est un peu comme si l’ambiance s’était cassée.
Postfinance, c’était 450 millions de francs de marge nette ces dernières années. En grande partie à disposition de la Confédération. Et des conditions très favorables pour les clients. Les Suisses aiment les alternatives secteur privé – secteur public. Mais là… la désillusion est assez brutale.
On l’a pourtant vu venir depuis le début de l’année !…
Oui, parce que c’est un déclin en cascade. La fin de la gratuité avait été suggérée au premier semestre dans une interview de la direction. Et puis il y a eu l’annonce en juin des 500 suppressions d’emplois d’ici 2020. 500 sur 3400 tout de même .
Postfinance est en fait la première et grande victime des taux d’intérêts négatifs qui ont cours en Suisse depuis des années. Pour empêcher ainsi le franc de s’apprécier face au dollar et à l’euro. La Suisse protège ses exportateurs. Les Suisses savent pourquoi, et le risque est faible qu’ils descendent dans la rue pour protester contre les dégâts collatéraux sur Postfinance. Donc sur eux.
Non, ça ne provoque pas les vagues qui soulèvent chaque année l’augmentation des primes d’assurance maladie. Ce n’est pas un sujet politique ?
Il y aura quand même un débat au Parlement. Il est question de permettre à Postfinance de se lancer sur le marché déjà très encombré des hypothèques. Pour compenser la faiblesse des marges dans le simple trafic des paiements, justement. La direction le demande depuis des années. Le secteur bancaire s’y est toujours opposé, estimant qu’il s’agirait de concurrence déloyale. Avec son vaste réseau historique issu d’un monopole, Postfinance bénéficierait en particulier d’une puissance de marketing incomparable.
Mais cette fois, le Conseil fédéral a lâché les banques. Et quand il s’agit de sauvegarder les revenus de l’Etat, le Parlement a tendance à s’aligner. Il n’est toutefois pas exclu que le dossier Postfinance sorte un jour des considérations techniques. Qu’il se mette à déchaîner des passions politiques. Si ça n’a pas été le cas jusqu’à maintenant, c’est peut-être aussi que la direction n’a pas fait pas tout faux.