Le départ annoncé de la conseillère aux Etats vaudoise Géraldine Savary nourrit un malaise
Passé le choc, on s’interroge bien évidemment sur la manière dont cette personnalité de la gauche vaudoise, à laquelle la présidence de la Chambre des cantons était promise, a été évincée. Car il s’agit bien d’un départ précipité, que dis-je, exigé par ses camarades. L’entretien accordé par le Frédérik Paulsen, le patron de Ferring qui a contribué à financer deux campagnes de la sénatrice, en dit long sur la guerre des longs couteaux qui s’est jouée au sein même du Parti socialiste vaudois.
Ce genre d’exécution ne constitue pas une première
Il y a deux ans à peine, la conseillère aux Etats Anne-Catherine Lyon a vécu les mêmes tourments. Elle aurait souhaité se représenter une fois encore au Gouvernement, mais ses camarades, à commencer par les enseignants, lui ont savonné la planche. Les instances du parti lui ont ensuite refusé l’exception, qui lui aurait permis de poursuivre sa carrière, car le nombre de mandats est limité. Dans le même temps, la prolongation a été accordée à son collègue Pierre-Yves Maillard, et à la députée nyonnaise Fabienne Freymond-Cantone.
Comment expliquer cette montée en pression interne au PS ?
J’y vois le résultat d’une évolution peut-être nécessaire, mais aux conséquences parfois désagréables, pour ne pas dire négatives. Il y a une trentaine d’années, la plupart des personnes qui s’engageaient en politique étaient de vrais miliciens, c’est-à-dire qu’elles poursuivaient une activité professionnelle parallèle à leur engagement politique. A l’exception des grandes villes et des gouvernements cantonaux, miliciennes et miliciens étaient rois en démocratie. Ce n’est plus totalement le cas. Aujourd’hui, on peut gagner sa vie avec une activité politique. Le syndic de Lausanne reçoit plus de 300 000 francs par année, et à Yverdon-les-Bains, petite ville de 30 000 habitants, un municipal à 60% perçoit plus de 100 000 francs par année. Du coup, la bataille est devenue très dure dans les partis, car il y a tout simplement des postes de travail bien rétribués à la clé. Et cela à tous les niveaux. C’est dire qu’une éjection par le haut permet à d’autres de progresser dans la hiérarchie. Ce qui choque dans le sort fait à Géraldine Savary, c’est que le PS vaudois s’est toujours piqué d’être celui de la promotion de la femme.
Argent et politique ne font donc pas bon ménage ?
C’est en général vrai. Mais il faut aussi admettre que la complexité croissante de la législation a rendu quasi incompatible politique et travail de milice. Dans ce contexte, la professionnalisation de l’activité, telle qu’on la vit chez nos voisins, paraît inéluctable. Avec tous les dégâts co-latéraux, telles les notes de frais dont on parle beaucoup ces jours. A ce sujet, Christian Amsler, président du conseil d’Etat de Schaffhouse, a déclaré mercredi dernier à Yverdon-les-Bains qu’il ne disposait en tout en pour tout que d’une enveloppe forfaitaire annuelle de 10 000 francs pour ses frais. Et lorsqu’il s’est déplacé dans le Nord vaudois pour défendre sa candidature au Conseil fédéral, il a payé le billet de train de sa poche. Voilà un exemple dont nos élus et collectivités feraient bien de s’inspirer.